DVD A LA LOUPE

Résumé : Paul et sa séduisante amie Barbara célèbrent le succès de leur "Dot Com" Compagnie sur le yacht d'un couple de proches, près des côtes de la Galice en Espagne. Après qu'une tempête d'une incroyable violence eut fait s'écraser leur bateau sur des récifs, Paul et Barbara réussissent à atteindre le rivage d'un petit port appellé Imboca... Alors qu'ils cherchent de l'aide, le village semble désert mais très vite, à la nuit tombée, ils vont découvrir ses habitants, leurs rituels et leur secret... Ceux ci sont en effet les disciples du monstrueux Dieu de la mer: Dagon...

Avis :  Marrant ce résumé non? On dirait presque sur la fin que "Dagon" un film pour enfant tellement le synopsis est racontée de manière simple avec un style lourd... Enfin c'est vrai que ceux qui les rédigent ne sont pas des écrivains... Pas comme l'inspirateur génial de ce long métrage: car "Dagon" est une adaptation de l'univers de H.P. Lovecraft au cinéma, le maître du fantastique (le maître de Stephen King j'irais même jusqu'à dire). Son oeuvre a influencé bon nombre de réalisateurs dont Carpenter, mais aujourd'hui nous allons parler de Stuart Gordon qui a déjà sévi avec "Re-Animator".

Le film reprends la nouvelle "Le Cauchemar d'Innsmouth", mais on peut plus parler d'une adaptation que d'une reprise au pied de la lettre. Stuart Gordon a fait le choix ambicieux d'être fidèle à l'esprit de Lovecraft tout en se permettant quelques écarts à la nouvelle pour améliorer son adaptation cinématographique, voir même en partant en trip total par moment. Toutefois, le résultat est vraiment bon, et ce "Dagon" est un des films les plus fidèles à Lovecraft à ce jour (surtout grâce à la fin: sans spoiler pour autant car sachez qu'il y a un twist final sympathique, les films ont tendance à coller des Happy Endings aux nouvelles de Lovecraft qui finissent toujours très mal...).

L'époque est différente (1990 contre 1920 pour la nouvelle originale), l'endroit est différent (Innsmouth en Amérique contre Imbocca en Espagne... Chapeau les traducteurs!) et les personnages principaux aussi. Dans la nouvelle originale, le héros est un jeune touriste arrivé par hasard à Innsmouth, dans le film, nous avons un couple de vacanciers dont le bateau heurte un récif au large d'Imbocca.

Malgré toutes ces différences, certaines scènes sont extrèmement fidèles à la nouvelle: la fuite de l'hôtel en particulier. Cette scène est réellement flippante, copie conforme du livre, et en plus exactement comme je me l'imaginais lorsque je lisais sous ma couette, à la lumière de ma lampe torche. Et c'est bien à partir de ce moment là que j'ai eu le coup de foudre pour "Dagon": lorsque j'ai retrouvé des scènes sur mon écran que je croyais être la propriété de mon cerveau. A croire que Stuart Gordon a lu dans mes pensées (le pauvre...). On retrouve aussi avec plaisir quelques autochtones décrits dans la nouvelle comme le maître d'hôtel ou le vieil ivrogne (d'ailleurs Stuart Gordon lui accorde plus d'importance dans cette interprétation qu'il n'en a jamais eu ailleurs!).

Le reste du scénario est très bon, sans accrocs, le tout est fluide et on se laisse bercer par les vagues de ce "Dagon". Comme la nouvelle originale, on va suivre toute une nuit le héros dans sa tentative d'évasion d'Imbocca... Sauf que ce coup-ci, le héros doit en plus sauver sa bien aimée, et en option ses deux potes si possible. Cela donne donc prétexte à de nouvelles situations, de nouveaux dangers, et un nouveau dénouement par rapport au "Cauchemar d'Innsmouth": un véritable coup de jeune (pour une nouvelle qui n'en avait pas vraiment tellement elle est intemporelle, mais cela permettra de la rendre plus accessible à un nouveau public!).
Au niveau des acteurs, on a peur au début... Très peur: l'héroïne blondasse cruche et le petit brun à lunettes Nerd à souhait bien trop caricatural pour être crédible. On se rends vite compte que ces personnages "niais" vont se heurter à Imbocca et ses "charmants" habitants, et la claque qu'ils vont se prendre va vite les reveiller. Le Nerd va prendre de plus en plus confiance en lui, et le jeu de l'acteur Ezra Godden va bien le refléter, quand à la blonde, elle disparaîtra assez vite... pour réapparaître bien changée... On suppose donc que cet aspect "niais" des personnages est voulu par Gordon afin de contraster avec l'environnement et avec ce qu'ils vont devenir à son contact... Attardons nous d'ailleurs sur le héros interprété par Ezra Godden... Vous le connaissez? Non? C'est normal il n'a joué dans rien à part quelques séries, "Dagon" et le segment "Masters of Horror" de Stuart Gordon. Mais regardez bien... Si si je vous assure regardez bien les images, surtout la deuxième... Il vous rappelle personne? Un petit effort! Allez on se la fait Julien Lepers:
Je suis né le 22 Juin 1958 à Royal Oak, Michigan (Etats-Unis). C'est à l'age de 17 ans que j'interprête mon premier rôle dans un film de mon jeune ami Sam Raimi intitulé "Within The Woods". Quelques années plus tard et avec quelques dollars en plus, ce court métrage se transforme en un film culte: "Evil Dead". J'aime me prendre des coups, me couper la main, me battre avec mes doubles miniatures je suis je suis je suis... Je suis Bruce Campbell bravo à la petite vieille qui a trouvé vous repartez avec une superbe encyclopédie sur la reproduction des castors lapons: vous saurez enfin s'ils sont hermaphrodites."
Ezra Godden ressemble en effet étrangement à Bruce Campbell, aussi bien dans son apparence, son physique, ses expressions et son jeu d'acteur. Au début, alors que Paul est encore dans sa période "Tête de Nerd" et qu'il tente de s'enfuir des griffes des habitants d'Imbocca, il a tendance a trébucher, bouger maladroitement et lancer des répliques qui rappellent fortement Ash lui même. Serait ce un hommage caché au grand "Evil Dead"?
Autre actrice qui tire son épingle du jeu: c'est Uxia Blanco. Là encore cherchez pas je pense pas que personne la connaisse... Apparement ca serait plus une présentatrice TV espagnole qu'une actrice... Quoiqu'il en soit, elle est magnifique dans "Dagon"... Mais pas d'une beauté comme on en voit au cinéma tout les jours... D'une beauté froide et surnaturelle qui nous attire et nous repousse en même temps. Elle ne cligne jamais des yeux, ce qui est relativement inquiétant... Mais d'un côté il est difficile de lui résister... A la fois séduit et dégouté... Un peu comme les nouvelles de Lovecraft elles même! Enfin si elle n'avait quelques diverses malformations malvenues, je me laisserais bien tenter par cette Princesse Maléfique...

Les créatures sont biens réalisées, et les effets spéciaux sont étonnament bien réalisés pour un film à si petit budget. Les malformations sont crédibles et les maquillages sont au top. La scène du "dépeçage" facial du vieillard est une véritable réussite! Très gore et difficilement soutenable dans l'ambiance et la violence des images. Pour les courageaux rendez vous à la troisième image... et et j'ai choisi la plus soft car on voit toute l'opération du menton au haut du crane... Beark!

"Dagon" est donc une excellente surprise: un petit film qui apparaît quand on ne s'y attends pas et qui tape en plein dans le mille. Stuart Gordon impose son style au Mythe de Cthulhu, et au passage devient un des rares réalisateurs à avoir maîtrisé avec brio l'oeuvre de Lovecraft avec John Carpenter.

 
Dagon