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Résumé : Walter vient de passer 12 années en prison. Rejoignant sa ville natale, on lui offre un job dans une scierie : discret, volontiers taciturne, Walter est un homme qui porte un lourd secret, un fardeau dont il a conscience, fardeau qui l'oblige à lutter tous les jours contre ses démons. C'est alors que Walter va croiser le chemin d'une petite fille...
Avis : Pas facile de traiter d'un sujet si brûlant qu'il suscite des réactions exarcerbées qui vont parfois au-delà de l'indignation et de la colère; pas facile de mettre en scène ce que l'homme a en lui de plus vil et de plus malsain au point qu'il se dehumanise entièrement; pas facile de faire un film où le spectateur est pris à témoin dans le spectacle poignant d'un homme à qui l'on ne peut pardonner ses actes passés mais pour lequel la "Société" a décidé de lui laisser une seconde chance; bref pas facile de filmer la lutte quotidienne d'un homme contre cette monstruosité du psyché humain qu'est la pédophilie.
Et pourtant, la réalisatrice Nicole Kassel a relevé le défi et de fort belle manière. En effet, The woodsman n'est pas un film qui excuse ou qui pardonne : à aucun moment la réalisatrice ne cherche à justifier le comportement de son héros; elle s'attache à décrire la lente reconstruction d'un homme qui certes, a juridiquement payé sa dette mais pour qui le chemin est encore long avant qu'il puisse s'avouer à lui-même qu'il est enfin guéri. Et d'ailleurs peut-on guérir de ce type de déviance ? Même si le film est plein d'espoir il semble que non car la guerison passe forcément par la fin d'un combat : celui d'un homme contre lui-même, celui d'un Jekyll contre un Hyde monstrueux caché au plus profond de son inconscient; et sur ce point le scénario du film n'apporte pas de réponse très tranchée.
Là où le scénario se montre par contre fort intelligent, c'est qu'il s'attache à filmer la vie quotidienne d'un homme dans sa plus affreuse banalité...et il est alors curieux de voir comment nous, spectateurs, sommes intéressés par la dimension que prend cette vie dès lors que nous avons connaissance du motif qui a valu 12 années de prison au personnage principal. Quoi de plus banal en effet que de filmer un homme qui se lève, s'habille et va travailler. Mais à partir du moment où nous en savons plus que les autres personnages, le spectateur se trouve émotionellement plus impliqué puisqu'à son tour il partage un secret et dès lors chaque rapport avec autrui, chaque dialogue devient beaucoup plus lourd de sens. Comment effectivement ne pas réagir face à l'arrogance de certains, face à la compassion des autres, comment enfin ne pas s'impliquer lorsque Walter regarde les enfants jouer dans la cour de l'ecole située en face de son appartement ? L'athmosphère du film devient alors pesante et moite parce que le personnage de Walter peut basculer à tout moment, parce que dans ses efforts quotidiens il y a toujours une frontière ténue entre ce que la morale lui commande de faire et ce que ses pulsions lui ordonnent. Et le film acquiert alors une dimension beaucoup plus universelle car au final Walter n'est pas une personne schizophrénique qui ne se souviendrait pas de ce qu'il a fait dans un état second : non, Walter est un être humain avec cette petite particularité qu'il a totalement conscience de son comportement déviant, qu'il a totalement conscience de la noirceur de ses démons et que chaque jour lui demande un effort surhumain pour ne pas y succomber. Alors Walter essaie d'avoir tout de même une vie normale, d'avoir une relation intime avec une de ses collègues, mais que faire ? Comment avouer à quelqu'un dont vous venez de partager la couche que ce qui vous attire sexuellement se situe autre part, à un autre âge ? Comment faire comprendre à autrui que vous avez tout essayé pour mener une vie normale mais qu'au final le loup de votre subconscient est toujours là prêt à bondir et à vous transformer en bête hideuse ?
C'est alors que les hasards de la vie feront se rencontrer Walter et Robin : Robin est une petite fille de presque 12 ans; Robin aime se promener dans les bois, écouter et observer les oiseaux; Robin ne parle jamais avec les étrangers, mais Robin se plaît à discuter avec Walter parce qu'il sait être attentif et tendre...trop tendre ? La réalisatrice du film nous offre alors une scène d'une poignante sincérité et, à la façon de Charles Perrault, dirige la fin de son métrage vers une variation moderne du petit chaperon rouge. Et toute la question sera alors de savoir si comme dans le conte un bucheron viendra sauver cette petite fille, si comme dans le conte, un bûcheron saura empêcher le loup de dévorer le petit chaperon rouge. Il se trouve que Walter est un bûcheron, mais il se trouve aussi que Walter est un loup et les yeux baignés de larmes de cette petite fille sauront peut-être l'aider à guérir.
The Woodsman est donc un très bon film sur un sujet difficile. Parfaitement interprété par Kevin Bacon (qui s'est impliqué au-delà de son rôle en étant producteur du film), il ne souffre aucun temps mort et l'ensemble du casting (dont la propre épouse de Kevin Bacon) est à l'unisson de cette difficile histoire. Encore une fois, ce film n'excuse pas et ne pardonne pas mais plus important, il ne juge pas. L'approche de la réalisatrice est factuelle : oui, certains loups peuvent rôder autour de nos enfants sans que nous en ayons nécessairement conscience; oui la vie d'un petit garçon ou d'une petite fille peut basculer à tout moment lors d'une rencontre fortuite. Et d'ailleurs que fait cet homme qui discute régulièrement avec un petit garçon près de l'école en face de chez Walter ? Pourquoi cherche-t-il invariablement à faire monter cet enfant dans sa voiture ? N'y aurait-il pas ne serait-ce qu'un seul bûcheron dans ce foutu monde ?