DVD A LA LOUPE

Résumé : Alex a un problème : il doit cacher à sa mère malade la chute du mur de Berlin et la réunification de l'Allemagne. Avec l'aide de sa famille et de ses amis, il recrée autour d'elle le décor et la vie de l'ancienne RDA, qu'elle affectionnait tant. Mais l'entreprise de reconstitution d'un monde aux normes socialistes devient de plus en plus acrobatique à mesure que sa mère se rétablit et que les publicités occidentales remplacent les portraits de Lénine...

Avis : Malgré son titre qui peut laisser croire à un film politique, "Good Bye Lenin!" est une comédie douce-amère, avec de l'humour, mais qui véhicule surtout beaucoup d'émotion à travers des personnages dont la séparation de l'Allemagne en deux blocs longtemps antagonistes a bouleversé la vie. Sans jamais juger un système disparu, le réalisateur allemand Wolfgang Becker utilise une astuce du scénario pour montrer en toile de fond la problématique de la réunification de son pays, événement qui solde définitivement les séquelles de la seconde guerre mondiale et annonce la dislocation de l'Union Soviétique. Soutenu par une musique exceptionnelle, et avec plusieurs scènes cocasses ou émouvantes assez marquantes, ce film atypique a trusté les récompenses en Allemagne et connu un succès mérité de par le monde.

Le casting est dominé par Daniel Brühl qui campe un Alex attachant à travers son amour filial, et par Katrin Sass, remarquable de sensibilité dans son interprétation de Christiane, sa mère, une femme dévouée aux autres qui a passé toute sa vie dans un mode de pensée dont on a aujourd'hui du mal à imaginer ait pu perdurer pendant un demi-siècle. Autour d'eux, Maria Simon (Ariane, la sœur d'Alex), la russe Chulpan Khamatova (Lara, la petite infirmière qui s'occupe de Christiane à l'hôpital), et Burghart Klaussner (Robert, le père d'Alex et d'Ariane qui a abandonné sa famille pour partir à l'ouest) complètent les personnages principaux d'une distribution sans faille. L'astuce du scénario consiste à recréer une petite bulle d'Allemagne de l'Est autour de Chritiane, sortie d'un long coma de plusieurs mois après un infarctus survenu juste avant la chute du mur de Berlin. Un choc psychologique trop violent risquant de tuer sa mère, Alex va tout faire pour lui cacher la transformation du monde, allant jusqu'à monter avec un ami de fausses nouvelles télévisées, et à rechercher des produits courants désormais disparus (les petits pois Globus, les cornichons Spreewald …) dans le but de maintenir sa mère dans une illusion qui se heurte de plus en plus à la réalité. Cette partie du film est la plus cocasse, et malgré l'invraisemblance de nombreuses situations, c'est celle qui véhicule le plus d'humour. Elle permet aussi de mettre sur la pellicule toute une série de témoignages visuels de ce qu'était la vie en Allemagne de l'Est, et donc de conserver d'une certaine manière le souvenir d'une réalité qui a aujourd'hui été pratiquement effacée. En parallèle une affaire de cœur se tisse entre Alex et Lara, et la réunification des deux Allemagnes va aussi être pour Alex et Ariane l'occasion de revoir leur père.

Le scénario permet de montrer les deux systèmes qui se sont affrontés, chacun avec ses excès et ses bons côtés, mais en restant sur le plan des individus et de leurs propres motivations, Becker évite l'écueil du film politique véhiculant une idéologie particulière. Il montre au contraire comment chacun, en fonction de ses croyances ou ses aspirations, a pu chercher sa voie en fonction des circonstances, le message étant plus le rassemblement du peuple allemand que la critique de l'un ou l'autre système, la réunification pouvant être ressentie comme une délivrance pour certains et un traumatisme pour d'autres. Le rôle du cosmonaute Sigmund Jähn, une idole pour Alex qui rêvait de l'espace depuis son enfance, est assez illustratif de ce point de vue. Une autre question posée par le scénario est aussi la légitimité de manipuler les gens même pour la bonne cause, et si on pouvait craindre un dénouement artificiel, il faut reconnaître au scénariste Bernd Lichtenberg le mérite d'avoir trouvé le ton juste.

La réalisation est soignée, le montage ayant exigé de faire appel à de nombreuses retouches numériques pour rendre aux lieux de tournage l'aspect qu'ils avaient à l'époque pourtant assez récente de la chute du mur de Berlin, la transformation ayant été telle dans les douze années séparant le tournage des faits mentionnés qu'il n'était plus possible de retrouver des lieux vraiment représentatifs, même dans les anciens quartiers de Berlin Est. Le cinéma allemand a peu eu l'occasion de se mettre en valeur ces dernières années, "Good Bye Lenin!" méritant vraiment d'être découvert par ce qui ne l'ont pas encore vu.

 
Good Bye Lenin !