DVD A LA LOUPE

Résumé : Convaincu d'être la cible d'une tentative d'enlèvement, un industriel millionnaire demande la protection de la police de Hong Kong. La tâche est confiée à l'inspecteur Chan, un policier sous haute tension, qui malgré ses efforts ne parvient pas à éviter le rapt. Sur la piste des criminels, Chan part pour Taiwan, en compagnie de son collègue l'inspecteur Hung, sans se douter que ce dernier est le vrai commanditaire de l'enlèvement...

Avis : 1993, moins de quatre ans avant la rétrocession de Hong-Kong à la Chine, la colonie anglaise est dans tous ses états. La crise est à la fois industrielle est financière, chaque grand patron préparant ses valises pour rejoindre l’étranger et une vague de criminalité sans précédents sévit dans la cité avec rapts de personnes aisées qui finissent la plupart dans un bain de sang pour les victimes ou par les policiers, débordés, chargés de les retrouver. L’industrie du cinéma ne se porte pas mieux, nombre de cinéastes, les plus importants bien sur, ont déjà rejoints les sirènes d’Hollywood qui les perdront bientôt dans les limbes de la médiocrité. Les acteurs commencent à suivre aussi. C’est pourtant dans ces derniers soubresauts que le 7ème art va accoucher de purs chefs d’œuvre, notamment dans le genre du polar. A cette époque, John Woo et Chow Yun-Fat nous ont offert le spectaculaire « A toute épreuve » qui fut en quelques sorte leur ticket d’entrée pour les States, bien plus social et dramatique, moins pyrotechnique aussi, Kirk Wong, réalisateur de « Gunmen » et Jackie Chan, ont signé ce « Crime Story »

Il faut à mon avis, être clair dés le début. Cette œuvre est la plus noire de la filmographie du chinois bondissant. J’ai déjà parle longuement sur ce site de « Police Story 1 & 2 » en prouvant qu’ils étaient un virage, surtout le deuxième, dans la carrière de J.C mais ceux là, comportaient encore quelques scènes de Kung-Fu comédie qui ont fait la renommée de cet acteur martial extraordinaire. Ces deux films étaient un compromis entre la volonté de faire du polar pur et dure et celle plus commerciale de continuer sur sa lancée comique. Cela n’enlève rien à l’importance primordiale de ces œuvres dans le cinéma asiatique mais ce « Crime story », qui par le titre pourrait laisser penser qu’il est une pseudo suite, n’a rien à voir avec les deux films précités. Il s’agit là dune œuvre sombre, empreinte d’un contexte social comme j’en ai rarement vu dans le cinoche de l’est de cette époque et se veut, un peu à l’instar de « Police Story 2 », une démonstration assez exacte de la démarche policière Pour cela, le réalisateur utilise de nombreux outils qui aident à la véracité et à la création de l’ambiance.
Tout d’abord Jackie. Exit toute grimace ou surabondance d’effets dans les combats. Déjà, ceux-ci sont peu nombreux et en plus, ils sont relativement courts. Pas d’effets de câble, de sensationnalisme et de cascades extravagantes. Non ! La violence est sèche, sans compromis. Chose rare chez cet acteur, le nombre de morts par sa main est relativement important et même si certaines situations se révèlent palpitantes (combat sur un échafaudage par exemple) elles ne sombrent jamais dans l’esbroufe. L’équipe y a préféré l’efficacité. Dans le même temps, le traitement du personnage est à mille lieues de tout ce que Chan a pu faire jusqu’alors. Il campe une flic déprimé, solitaire, une peu à la Harry Callahan mais sans le côté grande gueule bien qu’intrépide et tout aussi inscrit dans la volonté de faire régner la justice…mais plus légalement que son homologue américain. Soumis à des entretiens psychologiques, confronté à une police plus ou moins corrompue, sensibles à la mort de ses collègues même anonymes, il convainc sans hésiter et réussi à complètement faire oublier son passé de troublion du cinéma martial chose qui n’était pas facile. Alors certes, certaines scènes le plonger un peu dans l’excès inverse (celle de l’hôpital) mais je dirai volontiers que sa prestation est encore meilleur que celle qui l’aura, près de 10 ans plus tard dans « New Police Story » qui au final, aurait mieux fait de s’appeler « Crime Story II » tant son ton étant plus proche de notre film que de la saga précédente
J’ai parlé tout à l’heure d’une violence sèche qui contribuait nettement à une ambiance glauque, celle-ci est aussi accentuée par un rythme particulièrement nerveux du film. Si on excepte un milieu de métrage qui comporte quelques longueurs, surtout dues à cette volonté démonstratives des démarches policières, il est clair que le spectateur est tenu en haleine de bout en bout. Les acteurs qui gravitent de Chan sont convaincants et Kirk Wong a su adapter sa façon de filmer, à milles lieues de celle de « The Big Hit » qu’il tournera à son arrivée aux USA et sera un recyclage des effets John Wooesques, pour donner un style quasi documentaire et augmenter ainsi le phénomène tensionnel du film. La caméra à l’épaule est donc largement utilisée mais cela ne lui empêche pas, même dans les séquences de dialogue, de peaufiner au maximum ses cadrages.
Paradoxalement, c’est dans ses séquences d’action que le réalisateur se révèle le moins probant. Non pas que les cascades soient mal chorégraphiées mais c’est un montage trop cut qui parasite l’excellent travail opéré en amont et qui donc ne laisse pas le spectateur profiter pleinement des performances des acteurs. Ceci est d’autant dommage que les rares combats seraient plutôt originaux et que les traitement général de l’œuvre pourrait faire penser à un Michael Mann asiatique avec des fusillades en pleine rue qui font furieusement penser à du « Heat » sans en être et une certaine fascination pour la ville où se déroule les évènements avec des prises de vue du haut des immeubles assez incroyables.
Enfin, on appréciera la qualité du scénario qui préfère le traitement et le développement des personnages à toute espèce de sensationnalisme. Chacun traîne un petit côté mélancolique, où tout le monde essaye desèspérement de se battre contre des moulins à vent. LA corruption policière est très mise en avant à l’intérieur dus script et cette dualité bon flic/mauvais flic associée à l’ambiance globale du film fait furieusement penser à un pré « Infernal affairs ».
Je vous conseille donc dare dare le visionnage de ce film. Il est la preuve par A plus B que Jackie Chan est un immense acteur qui sait sortir de ses registres comico martiaux. D’un réalisme froid, ce film au contexte social difficile pour nous occidentaux est un superbe reflet de son époque, la période précédant la rétrocession de Hong-Kong à la chine. Il est aussi un excellent film policier, presque un égal de « Infernal affairs ». SI on regrettera quelques longueurs, un peu justifiée par le scénario volontairement démonstratif et un montage trop serré qui nuit aux rares combats mais aussi aux séquences de ‘guerilla’ urbaine, ce film mérite amplement d’être vu par un public large, autre que les cinéphiles asiatiques. Etonnant qu’il n’y ait encore pas eu un remake américain

 
Crime story