DVD A LA LOUPE

Résumé : Isabelle Archer est belle et rebelle. Dans l'Angleterre très prude du XIXème siècle, cette jeune américaine indépendante et aventureuse fait sensation. Refusant les avances de nombreux prétendants, elle deviendra finalement l'otage d'un homme, prise dans son jeu pervers et dominateur.

Avis : Adapté d'un roman d'Henry James, "Portrait de femme" est un drame psychologique grâce auquel la réalisatrice Jane Campion nous transporte de l'Angleterre puritaine du XIXème siècle à l'Italie. Très féministe, et assez sombre sur les relations hommes-femmes, le film est remarquable de par l'affrontement entre deux acteurs exceptionnels, John Malkovich et Nicole Kidman. Sorti trois ans après "La leçon de piano" dont le succès avait apporté la consécration à Jane Campion, ce film a été boudé par la critique et connu un succès relativement modeste. Une douzaine d'années plus tard, le modernisme de sa forme apparaît pourtant intact et il n'a pas vieilli, contrairement à "La leçon de piano", et il mérite vraiment d'être (re)découvert, même si la qualité de l'image de cette édition DVD est décevante pour un film si soigné sur le plan de la photographie.

En visite chez des cousins anglais, la jeune Américaine Isabel Archer (Nicole Kidman) dénote par son intelligence, son imagination, son esprit et ses manières indépendantes, et est courtisée par de nombreux soupirants qu'elle éconduit sans trop de ménagement. Elle a cependant une grande affection pour son cousin Ralph, un phtisique incurable dont la santé décline et qui l'aime en secret. C'est à Florence qu'Isabel va faire la connaissance de Gilbert Osmond (John Malkovich), grâce à son amie Serena Merle (Barbara Hershey), et subjuguée par l'esprit artistique de Gilbert, elle décide de l'épouser. Mais très vite la jeune femme va se rendre compte qu'elle y a perdu sa liberté, soumise à la domination d'un homme possessif et exigeant. La découverte de vieux secrets entre Gilbert et Serena, et l'aggravation de l'état de santé de Ralph vont précipiter l'évolution des relations entre les deux époux… L'action est pratiquement absente d'un scénario qui s'attache à dresser les profils psychologiques des personnages et analyser les rapports de force, ou amoureux, qui régissent leurs relations. Les dialogues sont nombreux et le film peut paraître long et ennuyeux si l'on ne rentre pas dans le jeu souvent pervers des protagonistes. Mais tout est en finesse, et aucune fausse note ne vient entacher le déroulement de cet affrontement dramatique d'un homme mûr et d'une jeune femme prise dans ses filets, une autre femme tirant les ficelles en coulisse. Le spectateur peut aussi admirer les admirables décors du film, aussi bien dans l'Angleterre victorienne que dans une Italie marquée par les fastes de la Renaissance.

John Malkovich est impressionnant et fait preuve d'une grande maîtrise dans un rôle fort peu sympathique. Nicole Kidman, jusque là cantonnée dans des rôles de victime ou de jolie garce trouve, dans le premier vrai drame qu'elle joue, l'occasion de démontrer sa faculté à faire ressentir au spectateur toute une gamme d'émotions vécues par son personnage, faciles à décrire dans un roman, mais beaucoup plus difficiles à faire passer à l'écran à travers des regards et des expressions. La réalisatrice utilise d'ailleurs ce talent de la comédienne à travers les nombreux gros plans sur son visage et ses yeux. Mais il ne faut pas méconnaître non plus l'apport de Barbara Hershey, nominée aux Oscars pour ce film, elle aussi tout à fait remarquable en Serena Merle, ambiguë et énigmatique, et Martin Donovan, touchant dans le rôle de Ralph. Pour l'anecdote, on mentionnera des acteurs alors quasi inconnus et qui ont fait du chemin depuis, Viggo Mortensen et Christian Bale. En soutien des dialogues et de la photographie, il faut également souligner la qualité de l'envoûtante partition musicale de Wojciech Kilar, qui participe grandement à l'équilibre artistique de l'œuvre.

Film dit "d'auteur", au sens où il n'a pas vocation d'attirer les foules qui ne recherchent qu'un divertissement spectaculaire, "Portrait de femme" est tout en sensibilité et en émotions, d'une tonalité plutôt sombre que chaque spectateur pourra corriger à sa guise grâce à une fin ouverte, une scène torride sous une neige glacée, qui correspond d'ailleurs à celle du roman. Du très beau cinéma, à réserver néanmoins à ceux qui s'intéressent avant tout à la psychologie des personnages.

 
Portrait de femme - Edition 2008