DVD A LA LOUPE

Résumé : Dans un village imaginaire et dans le futur, la devise des soldats du feu n’est plus "Sauver ou périr" mais "réduire en cendres et brûler les cendres". Oui, réduire en cendres tout ce qui ressemble de près ou de loin à un livre. Les livres n'ont rien à dire, racontent des histoires de gens qui n'existent pas, les gens les lisent et se mettent à rêver. Or dans cette société, la seule façon de rester égaux c'est d'être semblables. Officiant à cette triste tâche, un "pompier", Montag va petit à petit prendre conscience de ses gestes, de l'abomination qu'il réalise tous les jours : rejeté et surveillé par ses pairs, dénoncé par sa femme, mais aidé par une mystérieuse voisine, il connaîtra le destin de ceux qui choisissent de devenir des "Homme-Livres".

Avis : Adapté d'une nouvelle de Ray Bradbury (l'auteur de "Chroniques Martiennes"), ce film, réalisé par François Truffaut (seule incursion de sa carrière dans la SF, mise à part Rencontres du 3ème type mais en tant qu'acteur), est le premier en couleur du jeune réalisateur de la Nouvelle Vague. Qui dit Nouvelle Vague, dit parfois cinéma d'auteur. Pour autant le film de Truffaut est un petit trésor à sa manière. Truffaut tourne volontairement dans un environnement contemporain faisant typiquement 70's : notre héros habite un petit pavillon de banlieue semblable à ceux que l'on trouve autour de la région parisienne. Les costumes de ses acteurs sont tout à fait comparables à ce qui se portait à l'époque (le film date de 1966). Seule concession à l'originalité, les véhicules utilisés dans le film. Résolument modernes, ils ne sont pourtant pas sans rappeler certaines études de design automobile réalisés à cette époque notamment par Raymond Lévi. Le réalisateur nous permet ainsi de nous identifier plus facilement à ce que risque de devenir dans le futur notre belle démocratie et plutôt que d'utiliser trucages et effets spéciaux en tout genre, Truffaut filme comme au quotidien, juste histoire de nous dire que ce futur est peut être plus proche qu'on pourrait le penser… Brûler les livres est certainement un pur acte de barbarie : le génie de Truffaut, c'est de nous expliquer comment une société peut en arriver à ce stade ultime. Pour cela, plutôt que de nous décrire la lente déliquescence d'une société, il fait le chemin inverse, en prenant un héros totalement intégré au système. Ce dernier, va alors prendre conscience de son rôle destructeur (il a le grade suffisant pour utiliser un lance-flammes), se réveiller et chercher enfin à comprendre le fonctionnement de la société dans laquelle il vit, à mettre à jour l'horreur et la barbarie sous le vernis de cette société uniforme. De plus, même si le futur décrit par Bradbury et filmé par Truffaut est pessimiste (rejoignant dans leur description des films comme Brazil ou 1984), la fin du film nous laisse un immense message d'espoir et nous laisse à penser que tout n'est pas forcément joué d'avance dans une société aux mains d'une soi-disante élite pensante et décisionnaire pour le bien-être de tous. Dernière remarque : on notera 2 clins d'œil à Alfred Hitchcock dont Truffaut était l'un des plus grands spécialistes à son époque de rédacteur aux Cahiers du Cinéma. D'une part il utilise une musique stridente à base de violons (façon Psychose) et, à la manière du grand Maître s'autorise une apparition de quelques secondes dans son film. Ah oui, j'oubliais, 451 degrés Fahrenheit, correspondent environ à un peu plus de 230 degrés Celsius : la température à partir de laquelle un bouquin se consume…!

 
Fahrenheit 451 - Edition collector