DVD A LA LOUPE

Résumé : Premier film : 15 ans après les sanglants troubles de la région de Pittsburgh, on découvre que cette histoire est vraie et que les preuves sont cachées dans un entrepôt de médecine : dans des caissons sécurisés, certains morts-vivants ont été conservés. Une erreur de manipulation va libérer le gaz qui les conservait et comme l'entrepôt est situé à côté d'un cimetière… c'est l'heure de se remettre à table pour nos joyeux pensionnaires….!

Deuxième film : en 1968, après s'être faite agressée par un homme dans un cimetière, une jeune femme se réfugie dans une maison. Elle est bientôt rejointe par un homme noir (ce détail a son importance) et ils découvrent ensemble que 5 autres personnes se sont réfugiées dans la cave. Pendant ce temps, les agresseurs se multiplient et cernent la maison. Léger détail : ils sont déjà morts et leur retour à la vie leur a ouvert l'appétit. Au menu : chair humaine…!

Avis : Premier film : En 1984, Dan O Bannon s'attache à donner une suite à la Nuit des Morts Vivants de Romero. Avec le scénariste d'Alien aux commandes, on était en droit d'attendre un film dans la lignée du premier. Mais O Bannon, dont ce fut le premier film, choisit une autre voie. L'heure n'est plus à la critique d'une certaine façon de penser ou d'un art de vivre américain. O Bannon choisit délibérément le chemin de l'humour. En effet, le retour des Morts Vivants est avant tout un film drôle.
Oui drôle, car les personnages choisis par le réalisateur sont tous plus timbrés les uns que les autres : citons notamment une punkette déphasée dont le fantasme est de se faire dévorer pendant l'amour (son vœu sera largement exaucé), un responsable de crématorium à qui l'on fait croire qu'il faut brûler des belettes enragées (il s'agit d'un mort vivant découpé en plusieurs morceaux emballés dans des sacs plastique), des médecins interloqués quand ils s'aperçoivent que leurs patients n'ont plus de pouls et que leur température est de 23 degrés (la température de la pièce ambiante).Bref, tout ce beau monde lutte contre une véritable armée de zombies dont le cri de ralliement est à la fois simple, drôle et terrible : CERVEAU, CERVEAU, CERVEAU…!
A la différence du premier opus de Romero, ce film ne fait pas spécialement la part belle aux plans gore. Certains plans sont un peu sanglants mais on reste plus admiratifs devant la qualité des effets spéciaux utilisés (scène où une morte-vivante est attachée sur un banc d'autopsie notamment). En effet l'absence de technologie numérique à l'époque rend encore plus spectaculaires le travail des truquistes et des maquilleurs : une véritable réussite de ce côté là.
En réalisant Le retour des Morts Vivants, Dan O Bannon n'avait pas la prétention de donner une suite véritable au film de Romero qui avait réalisé lui-même la suite quelques années auparavant avec Zombie. Il se sert uniquement de la trame de l'histoire du premier épisode (l'un des personnages déclare : "As-tu vu ce film, la Nuit des Morts-Vivants ?… Hé bien c'était vrai..! La preuve est au sous-sol…") pour nous offrir un film vraiment jubilatoire : la bêtise de ses personnages est telle qu'on prend véritablement plaisir à les voir se faire dévorer les uns après les autres.
Au final un excellent film de série B qui se place comme un vibrant hommage à un film culte.

Deuxième film : En 1968, George Romero, à moins de 30 ans, met en place ce qui deviendra l'un des plus grands "cult-movie" de toute l'histoire du cinéma : The Night of the Living Dead.
En effet, la nuit des morts vivants (qui devait s'appeler originellement la nuit des mangeurs de chair) a révolutionné le cinéma d'horreur et fut aussi marquant en son temps que l'Exorciste ou Massacre à la Tronçonneuse.
Essayons de se rappeler l'époque : en 1968, l'Amérique commence à s'embourber au Viet-Nam, à Paris les Etudiants lancent des pavés : bref c'est l'époque révolutionnaire, l'époque ou tout est possible, ou rien ne doit être interdit. Il n'y avait pas de raison que le cinéma ne soit pas touché par cette vague contestataire.
Romero débarque avec sa "Nuit" et change complètement la donne du cinéma d'épouvante : désormais, les victimes ne sont plus cachées, les plans gore ne sont plus occultés : tout est filmé, montré et offert au spectateur. Et on peut dire que le "Père George" n'y va pas avec le dos de la cuiller : gros plans sur des corps mutilés, sur des zombies en train de dévorer un os ou un membre…!
C'était quand même la quasi première fois que quelqu'un filmait du cannibalisme…! Mais le génie de Romero n'est pas de réaliser uniquement un très bon film d'horreur. D'autres réalisateurs comme Herschell Gordon Lewis et ses "2000 maniacs" l'avaient précédé plusieurs années auparavant (1964).
Non, l'intérêt du film de Romero se situe autre part, car c'est avant tout un film d'horreur intelligent. Intelligent car ce film se place typiquement dans le cadre d'une critique du mode et du style de vie américain et ce, à plusieurs niveaux :
- critique de la technologie américaine : les morts se relèvent de leurs tombes, car une sonde revenue de l'Espace a ramené un gaz capable de ranimer les morts. Il ne faut pas oublier que les Américains étaient à l'époque en pleine course à l'Espace et posaient leurs pieds sur la lune un an plus tard ! Nul ne connaissait à l'époque les conséquences des voyages dans l'Espace.
- critique de la société bien pensante américaine : dans la maison sont réfugiés un couple américain typique et leur enfant. Le mari se révèlera veule et couard prêt à sacrifier sa famille pour sauver sa peau. Tandis que les zombies se chargeront de lui, la fille règlera son compte à sa mère dans une scène d'une grande violence. On est bien loin du schéma de la cellule familiale idéale des publicités américaines des 60's façon happy days.
- Critique de la société américaine en général : en prenant délibérément un héros de couleur noire, Romero va totalement à contre courant de son époque. En 1968, Martin Luther King était assassiné, les Black Panthers étaient en plein combat. Selon Romero le salut viendra de la race noire ou tout du moins de la collaboration entre les ethnies.
La Nuit des Morts Vivants est donc bien autre chose qu'un simple film d'horreur. Par ailleurs en choisissant délibérément de ne pas finir en "happy end", Romero s'oppose à tout ce que faisait Hollywood à l'époque : son héros noir, seul rescapé des attaques de zombies succombera aux coups de feu des chasseurs "blancs" bien-pensants : comme si la menace finale ne venait pas forcément des morts, mais surtout des vivants qui nous entourent.
Pour la petite histoire, à sa sortie, le film a pu être exploité sans royalties par les cinémas à cause d'une coquille dans le droit de copyright. En 1990, Tom Savini fera un remake de la Nuit des Morts vivants (sur un scénario de Romero) afin de combler les droits d'auteur perdus des années auparavant par le génial réalisateur.

 
Le retour des morts vivants / La nuit des morts vivants