DVD A LA LOUPE

Résumé : Par un soir de pluie, un homme est assassiné dans la rue et son agresseur s’enfuit en dérobant une mallette pleine de billets. L’enquête de la police ne tarde pas à découvrir qu’il s’agit d’un épisode de plus dans la guerre sans merci que se livrent les barons de la drogue. Le détective Woo est chargé de l’affaire. Il travaille à l’instinct et ne recule devant rien pour être efficace. Epaulé par Kim, il est bien décidé à mettre la main sur le meurtrier.

Avis : Premier film d’action coréen à avoir connu un petit succès d’estime en France, « Sur la trace du serpent » est une réussite esthétique, aux innovations intéressantes, qui porte bien la marque des influences multiples dont s’inspire le septième art made in Corée. Mais de là à dire comme il est écrit sur la jaquette du DVD qu’il s’agit d’ « un hommage au cinéma de John Woo », je crie NON !

Il est clair que le film possède une esthétique indéniable, très marquée cinéma asiatique avec des plans travaillés au couteau et des images vraiment belles mais rien ne s’apparente au style de big John. Les scènes d’action sont bien sûr très violentes mais nous sommes loin des ballets chorégraphiés au millimètre du grand maître. Le montage est aussi sec que le sont les séquences.
Toujours à titre de comparaison, hormis le méchant, fort charismatique, les héros sont loin de la beauté élégante et raffinée des héros Wooien. Le protagoniste principal fait plus penser à un ours ou à un gorille, tant par sa démarche que par ses actes et ne possède pas les mêmes codes d’honneur que Chow Yun-Fat par exemple. Cependant, le film et ses héros possèdent leur propre identité qui font de l’ensemble une œuvre à part.

Par exemple, bien avant le splendide « Sin City » qui s’apprête à débouler sur nos galettes préférées dans quelques (trop longues) semaines, « Sur la trace du serpent » s’inspire de la bande dessinée (ici le manga) pour créer une atmosphère particulière. Chaque image est hyper chiadée (les scènes de pluie par exemple et certaines séquences font irrémédiablement penser au 8ème art notamment dans certains combats où les personnages se jettent l’un sur l’autre poing tendu en avant ou encore les marques de chaussure sur le visage d’un des méchants après s’être fait tabassé par l’équipe de flic Le graphisme d’autres est littéralement transcendant (le meurtre du début) et surtout, une splendide bande originale colle parfaitement aux images pour donner quelque chose de vraiment superbe. De même, la violence est très marquée voire presque outrancière, du moins inhabituelle dans le cinéma mais courante en littérature. Avec ses policiers marginaux, aussi auto justicier que Dirty Harry, se déplaçant avec des battes de Base-ball et ayant comme passe temps favori le passage à tabac et l’humiliation des suspects, on se rend vite compte que nous voyageons dans un univers différent du notre. Il est d’ailleurs difficile de penser que Tarantino ne se soit pas inspiré de la première scène de bagarre et du meurtre du témoin de l’assassinat pour l’assaut des Crazy’s 88 dans le premier volume de son « Kill Bill ». L’alternance irrégulière entre le noir et blanc et la couleur est aussi du plus bel effet et le réalisateur n’hésite pas à faire preuve d’originalité comme par exemple la bagarre sur les toits où sont uniquement filmées les ombre sur le mur. Pour le meilleur on appréciera quelques séquences de combat qui ne sont pas sans rappeler la scène du corridor dans « Old Boy » (SLTDS a été fait avant) même si elles ne sont pas aussi linéaire et que le montage incluant de nombreux arrêts sur image gâche un peu le plaisir.
Pour finir sur la qualité de la réalisation, j’ai noté que parmi les meilleures scènes figuraient les plans de course à pieds incroyablement bien filmés. On se rapproche à se niveau de celui de « La mémoire dans la peau » et sa suite. Oscillant entre ironie et dynamisme, nervosité et fatigue des personnages elles sont une preuve de plus de l’excellence de ce film unique.

Pour moi, ce qui a le plus pêché dans cette œuvre, c’est le scénario. Tout d’abord, il y a bien trop de redondance notamment pour les scènes qui se passent dans le commissariat. Ensuite, il y a parfois trop d’ellipse qui fait qu’on a mal à comprendre le but des actes des protagonistes et qu’on peut ressentir un manque de développement de leur psychologie qui pourrait se révéler pourtant passionnant : ce flic paumé qui vit seul, au physique disgracieux et qui comble par sa solitude par un travail acharné au dépend de son acolyte qui lui a une famille dont un enfant en bas âge et qui a du mal à concilier boulot et vit sociale normale, il y avait de quoi faire une œuvre plus forte sur le plan de l’histoire. De même, je pense qu’il y a certaines scène inutiles, qui certes montrent bien les moyens dont font preuve l’équipe de flic mais pas leurs objectifs.
Par contre, entre les moments d’ultra violence, le réalisateur a su intégrer à son récit des moments de pure tendresse et de poésie. Quand l’inspecteur Woo va retrouver son comparse sur la balançoire et que débute une bataille de boule de neige ou que ce même policier va voir sa sœur reste pour moi un vrai moment de magie.

Pour conclure, je dirai que ce film est une œuvre à voir pour toute personne s’intéressant de près ou de loin au cinéma asiatique. D’une part parce qu’il a marqué l’intronisation du cinéma Coréen en France mais aussi car il est visuellement très fort (on aime ou on n’aime pas…moi j’ai adoré…), bien loin du style de John Woo comme le prétend la jaquette du dvd et avec des partis pris qui pourront étonner même les plus avertis, l’histoire est sordide à souhait, avec une violence très marquée mais le scénario manque vraiment de profondeur pour arriver à en faire un chef d’œuvre.

 
Sur la trace du serpent