Fin 2004, j’avais été épaté par ce merveilleux petit ouvrage, empreint d’une poésie presque indécelable tant Gondry prenait son temps pour installer son histoire, multipliant les cuts inhabituels, les inserts somptueux et les flashbacks mémoriels. Malgré la volonté évidente de nous en mettre plein la vue (notamment avec les effets d’effacement saisissants et l’atmosphère onirique qui se dégage de ce voyage à travers les souvenirs en péril), on se surprend à suivre plutôt aisément les tribulations de ce couple dépareillé, entre une Kate Winslet craquante, changeant de coloration capillaire au gré de ses envies, et un Jim Carrey tout en retenue (sauf dans deux séquences où il retombe en enfance et semble se lâcher complètement), coincé, affublé d’une timidité maladive et inapte à gérer une véritable conversation.
Quelques chansons discrètes mais chargées de sens, une musique à l’avenant soulignant l’incroyable romantisme de ces rencontres entre deux êtres qui ne se souviennent plus s’être connus, ou la maladresse de l’un, l’énergie de l’autre sont autant de mots doux susurrés au spectateur : ce qui aurait pu n’être qu’une galerie de photos sans âme parvient à nous dévoiler des ressorts subtils où les non-dits s’accumulent avec délice derrière des situations banales ou embarrassantes. Bien entendu, il faut pouvoir y adhérer, mais comment ne pas succomber à cette morale à peine voilée (du genre « l’amour est plus fort que tout ») lorsque elle est si bien amenée ? Pas crétin et moins prétentieux que prévu, c’est un joli spectacle parfois tranquillement émouvant : pas de grandes envolées lyriques mais une douce mélodie émanant d’une guitare, pas d’explosions mais des voitures tombant du ciel, pas de nudité mais une impudeur touchante. Et l’on se contente de se dire que, bien qu’ils n’aient plus aucun souvenir en commun, ils se retrouvent et cela fonctionne encore… comme s’ils étaient faits l’un pour l’autre.
Superbe.
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