C'est dans le désert cinématographie de mai 68 que sorti "Le viol du vampire", premier film de Jean Rollin, à l'origine un moyen métrage gonflé jusqu'à devenir un film à art entière, qui provoqua un scandale, les spectateurs ne s'attendant aucunement à un tel spectacle.
En effet, complètement éloigné des oeuvres de la Hammer et du style innérant de l'époque, le métrage se propose de nous plonger en plein surréalisme onirique éthéré, pour nous conter l'histoire d'un psychanalyste cherchant à venir en aide à quatre soeurs qui s'imaginent être des vampires, en leur prouvant qu'elles ne portent pas les stigmates de la soi-disante malédiction, ce qui aura de quoi alimenter la première partie du métrage ( le film est présenté en deux parties bien distinctes, séparées par un générique ), jouant plus sur un terrain rejetant le fantastique, jusqu'à son issue inaugurant la seconde partie qui mettra les personnages principaux aux prises avec la "Reine des vampires" et ses acolytes, tout en cherchant un antidote au mal avec l'aide d'un couple de médecins.
Mais résumer un tel film n'est pas chose aisée, car le réalisateur a tendance à partir dans tous les sens, multipliant les actions connexes et les sous-intrigues, faisant parfois intervenir les mêmes protagonistes, mais surtout parsème son film de séquences surréalistes d'une douce folie ( les deux "esclaves" de la "reine des vampires" ) et n'hésite pas à théâtraliser ( parfois au sens propre, avec le final et sa messe noire trop kitsch ) à l'extrême ses séquences de dialogues.
Mais déjà, "Le viol du vampire" foisonne des thèmes chers au réalisateur, avec son goût pour les décors de manoirs purement gothiques ( tout comme les scènes se déroulant en plein cimetière, même si certaines sont rendues plus comiques qu'autre chose, notamment les duels à l'épée ), ici explorés de belle manière par de rapides plans tarabiscotés, mais un érotisme quasiment omniprésent apparaît également dans le film, même si le viol promis par le titre ne sera qu'évoqué, les jeunes femmes ayant fortement tendance à se dévêtir ou à se promener en petite tenue et enfin, le thème du vampire sera récurrent dans la carrière de l'auteur, tout comme un certain sadisme ( avec ici une séquence de flagellation plus que jouissive ) et une ironie délicieuse.
Mais ce qui a du le plus perturber les spectateurs de l'époque, c'est le style même du réalisateur, juxtaposant à son action de longues séquences éthérées ( les marches des quatre soeurs ), tout en se laissant aller à une improvisation flagrante ( les phrases sentencieuses ne manquent pas ) et en faisant preuve d'une langueur dans l'exposition de ses situations.
Mais à côté de cela, Jean Rollin ose beaucoup de choses avec sa caméra, en multipliant les angles de prises de vues étranges et décalés tout en donnant à ses plans des mouvements particuliers ( la scène du baiser ), parvenant ainsi à donner quand même du rythme à l'ensemble. L'interprétation flirte continuellement avec l'amateurisme, ajoutant encore à l'aspect décalé de l'ensemble et les quelques effets "spéciaux" du film prêtent plutôt à sourire dans leur naïveté.
Donc, ce premier essai de Jean Rollin s'avère être une expérience "autre", totalement à part, qui pourra séduire, à condition d'apprécier le style si particulier du réalisateur !
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