Neuf et demie! La faute à qui? Récapitulons: film de Little Big Man Buster Keaton (pas son meilleur, mais il contient ses plus fabuleuses cascades) au mieux de sa forme (avant que les flics de la MGM ne le bourrent de fric pour s'arroger le droit de foutre ses films en l'air): "Cadet d'eau douce", un classique du muet...rectifié Bach Films.
Ah.
Bon, enfin la copie semble correcte; ce qui gêne c'est la musique, genre de jazz tonitruant sans fin ni début composé sur ordi: on appelle ça du musicomètre. C'est certainement mieux que le pianiste de bastringue qui officiait lorsque le film passait au fond du Texas ou de l'Alabama, d'accord, mais à écouter le bruit robotico-grésillant des percus, je parie que n'importe lequel des plus bouchés d'entre nous est capable de dire au centime près combien a coûté le matos de sonorisation. Heureusement il reste l'image et elle est correcte: on suit le film sans effort. Est-ce drôle? Bien sûr que oui. Est-ce hilarant? C'est moins sûr, et alors... De toute façon Chaplin distrait moins, et (pour les intrépides) Rabelais guère plus; La grande Vadrouille est déjà périmée de trois jours et dans dix-quinze ans Mission Cléopâtre connaîtra le même sort. Quelle importance? Ici, il reste l'essentiel: un visage fixe et pourtant terriblement expressif, et aussi le premier -et en fait le seul- homme de cinéma drôle et héroïque EN MEME TEMPS. L'intelligence du premier degré. Rares sont ceux qui peuvent rivaliser avec Buster Keaton sur tout un film; à la rigueur il faudrait compiler certains moments de Belmondo ou Jackie Chan mais cela n'aurait pas de sens.
L'intrigue est superbe, extrêmement poétique et, surtout, il y a quelque chose de galvanisant à voir le petit Buster se prendre d'abord une rouste par des deux fois plus grands que lui tout en sachant qu'il aura le dessus à la fin -et parfois même sans daigner leur mettre une main dans la gueule (car malgré son mètre soixante-deux ce cascadeur accompli est une terreur et n'a peur de rien, pas même du cyclone qui ravage tout à la fin du film). Une impression presque terrifiante de force physique, intellectuelle et spirituelle nimbe tout le film.
En bref coupez le son et vous avez fait une excellente affaire.
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