Numéro zero de la collection "Films de Cape et d'Epée" chez Atlas (vendu en supplément du troisième, "Le Bossu"), et pour cause: "Les Mystères de Paris" contient bien quelques capes -en parures féminines- mais aucune épée, les duels ayant tristement été révolus à l'époque dont traite le film... Car nous sommes ici à une époque triste à tout point de vue: à la Révolution française succèdent les révolutions industrielles; c'est la naissance de la bourgeoisie et du prolétariat. Il se passe ici ce qu'amorce la fin d'un autre film triste: "Il était une fois dans l'Ouest", avec ses spéculateurs immobiliers qui fleurissent sur les cadavres de garçons vachers encore frais et qui signent l'avènement d'un monde corrompu et sans courage.
C'est peu ou prou ici que débute l'histoire des Mystères de Paris, certes à une échelle moindre -nous parlons de la qualité du film (même si on prend un grand plaisir à le regarder) et aussi du sort des Etats-Unis, infiniment plus enviable à l'issue de ce stupide XIXe siècle que partout ailleurs: l'Ouest naît, Paris meurt.
"Les mystères de Paris" est donc l'oeuvre des révolutions industrielles; en ce temps l'écrivain lui-même était une industrie (rares furent ceux qui ne composèrent pas leurs oeuvres en atelier) et les romans se mirent à feuilletonner et pulluler en volumes -à l'istar de ceux que produisait, donc, Eugène Sue.
Qu'est-ce qui a changé en 1962, année de la sortie du film? Rien, nous dit en substance celui-ci. Voici le Xième film d'action avec tous les acteurs que vous aimez, encore une fois réunis pour de trépidantes aventures: Jean Marais, Pierre Mondy, Noël Roquevert et sous la houlette d'un réalisateur non pas issu des lettres ou des arts, mais refusé à l'entrée de Polytechnique, André Hunnebelle (qui d'ailleurs possède de faux airs de Giscard sur quelques photos)... Et qu'y trouve-t'on? Mais vous le savez bien: tout ce que vous avez aimé dans le Jean Marais du trimestre précédent (ou encore le précédent numéro de la collection de Cape et d'épées)!
Alors, bien sûr, on est en droit de préférer "Jules et Jim" sorti la même année, ou bien "Lolita", voire le sublime "Miracle en Alabama" d'Arthur Penn (et j'en oublie: "l'Eclipse", "Le Goût du Saké", etc.). Rien de moins mystérieux que ces "Les mystères de Paris", en regard à ces monuments. Et aucun critique n'a encore tenté de révéler au monde entier le génie torturé d'André Hunnebelle, aucun cinéphile de choc ne s'est encore avisé de déterrer l'acteur Jean Marais de la couche de mépris sous laquelle il prospère; Jean Tulard a certes reconnu une certaine efficacité au réalisateur dans son Dictionnaire très inégal mais cela reste peu substantiel.
Et pour cause! Ce cinéma-là ne laisse pas une saveur inoubliable: c'est une grenadine Devant tant d'intrigues et de rebondissements on se dit, l'humeur bonhomme, que ce film en vaut bien un autre -à commencer par "le goût du saké" évoqué plus haut! Et Jean Marais, quel athlète, ça c'est du cinéma! Et on est sincère, car on a tout à fait le droit de le penser devant un spectacle si bien rôdé (si seulement les films de Marguerite Duras possédaient un tel rythme)! Et même plus qu'une grenadine, ici, on pourrait dire une amourette: on se jure fidélité pour une heure trois quarts de spectacle et d'émotions fraîches. Après, le déluge...
Ou l'oubli complet, disons! Que reste-t'il d'un tel film, une semaine, un soir après? Le souvenir d'une bonne soirée -et aussi l'étonnement d'avoir enfin découvert, dans le rôle du diabolique Baron de Lansignac, un petit acteur niçois au timbre unique nommé Raymond Pellegrin -autrement dit LA VOIX DE FANTOMAS!!!
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