Deuxième adaptation du récit de Stendhal narrant la vie de Béatrice Cenci, après la sublime version du génial Riccardo Freda, Le château des amants maudits, et avant celle de Bertrand Tavernier, La passion Béatrice (plutôt raté en revanche), Beatrice Cenci (ou Liens d’amour et de sang, qui est son titre français) est réalisé en 1969 par le grand Lucio Fulci, spécialiste du giallo (La longue nuit de l’exorcisme, Le venin de la peur) et surtout du film d’horreur (L’au-delà, Frayeurs). Drame historique sur fond d’inquisition, le film relate le meurtre de Francesco Cenci (un terrifiant George Wilson) commandité par sa fille, la jeune Beatrice Cenci (la superbe Adrienne Larussa, plutôt convaincante), aidée par le reste de sa famille et son serviteur/amant Olimpio (Tomas Milian, toujours excellent). Par le biais d’une habile structure en flash-backs, Fulci maintient ainsi un suspense constant qui révélera progressivement au spectateur les circonstances et les raisons du parricide. Le cinéaste fait aussi preuve d’un réel talent pour la composition de ses plans, qui semblent issus directement de la peinture (dans L’au-delà, il fera de même), et dépeint un univers morbide et délétère (c’est une des constantes de Fulci). Le film dénonce impitoyablement le comportement fascisant d’une Eglise insensible et inhumaine, et met à nu les rapports troubles et complexes de la famille Cenci, rapports mâtinés de domination et d’inceste. Une grande cruauté se dégage du métrage et contamine au fur et à mesure tous les protagonistes, qu’elle provienne du comportement du père, véritable tyran irresponsable et vicieux, ou bien du comportement de sa fille Béatrice, qui n’hésite pas à manipuler son amant pour arriver à ses fins. Dur et sans concessions, le film de Fulci comporte certaines séquences impressionnantes, comme celle de la torture d’Olimpio, mais aussi des scènes poignantes(et cruelles), comme la mort d’Olimpio, amoureux fou de Beatrice et se sacrifiant pour elle, sous le regard indifférent de celle-ci. Beatrice Cenci contient déjà en germe tous les prémisses qui feront ensuite la renommée de l’œuvre future de Fulci. C’est assurément un film-charnière, passionnant et qui démontre les multiples facettes d’un cinéaste (qui citait d’ailleurs fréquemment ce film comme son préféré) qui a trop souvent été cantonné au seul cinéma d’épouvante.
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