Avec "Cannibal holocaust", le réalisateur Ruggero Deodato poursuit son oeuvre initiée par "Le dernier monde cannibale", mais surtout nous livre un véritable "film-culte", le maître-étalon du "film de cannibales", sous-genre très prisé par les italiens durant les années quatre-vingt.
Le script, intelligemment découpé en deux parties bien distinctes, suit un professeur d'anthropologie à la recherche d'une expédition de jeunes reporters partis tourner un reportage sur "l'enfer vert" et les tribus cannibales primitives le peuplant, avant de nous faire partager les derniers jours de ces jeunes gens au travers des images tournées par ceux-ci au cours de leur périple.
Après avoir mis en place l'intrigue sous forme de reportage télévisé destiné à nous faire faire la connaissance du personnage principal et des membres de l'expédition disparue, toute la première moitié du métrage s'attache donc à suivre cet anthropologiste dans son voyage mouvementé en pleine jungle, pour mieux nous amener à prendre son parti devant son dégoût et son offuscation devant les premières abominations réservées par le métrage qui, tout en nous dévoilant certaines pratiques des moeurs de ces tribus reculées, cherche déjà à choquer et à révulser le spectateur ( la punition de la femme adultère restera gravée dans les mémoires ), mais en même temps, le côté foncièrement humaniste, respectueuse et parfois même "bon enfant" de notre homme ressortira également largement ( la baignade ), contrastant donc complément avec l'attitude des jeunes reporters qui fera l'objet de la seconde moitié du film, après que les bobines qu'ils ont tournées sur place aient été récupérées et restaurées.
Et c'est donc avec un malaise grandissant ( amorcée par la séquence du dépeçage de la tortue, traumatisante pour les amis des animaux ) que le spectateur découvre les vraies personnalités de ces jeunes gens uniquement motivés par un goût immodéré pour le sensationnalisme ( l'accouchement, par exemple ), n'hésitant pas à terrifier les primitifs qu'ils rencontrent et même à s'adonner au viol collectif d'une jeune sauvageonne qui n'avait rien demandé, tout en ne respectant aucunement ces être humains différents et en prenant un malin plaisir, ouvertement mis en avant pour mieux être dénoncé par le réalisateur, à la souffrance d'autrui ( l'amputation du guide, les regards goguenards lancés à la caméra lors de la découverte de la femme violée transpercée du vagin à la bouche par un tronc d'arbre en guise de représailles suite à la perte de sa virginité par les autres membres de sa tribu ).
Et le dernier acte du métrage, mettant en scène la terrible vengeance des primitifs à l'encontre de leurs bourreaux d'un jour, sera tout simplement hallucinant dans sa barbarie totale et extrêmement graphique, en inversant avec une ironie morbide sous-jacente les rôles, puisque ce sera un des journalistes qui sera longuement mutilé et découpé dans un esprit festif terriblement barbare et inhumain, sans compter le viol sauvage et douloureux de l'unique femme de l'expédition et la fin tout aussi tragique des deux autres participants, uniquement suggérée.
L'interprétation est convaincante et participe pleinement à donner au métrage un ton réaliste, alors que la mise en scène de Ruggero Deodato reste bien vivante, en adoptant un style "pris sur le vif" collant bien évidement avec le propos du film. Les effets spéciaux sont tout simplement bluffants dans leur réalisme froid et "clinique", à tel point que la "légende" veut que l'auteur ait été obligé de se justifier sur la survie réelle de ses acteurs au tournage.
Alors, devant un tel lot d'horreurs et d'abominations complaisement attalées sur l'écran, que penser de la réelle volonté du réalisateur qui, pour soi-disant dénoncer les dérives d'une certaine forme de médias, toujours obnibulée par la recherche de sensations fortes et d'images-chocs, a choisi la manière forte et un réalisme outrancier dans son propos, allant jusqu'au massacre non simulé de cetains animaux ( la fameuse tortue, mais également un petit singe et un cochon ), pour renvoyer finalement dos à dos la barbarie rituelle et ancestrale des primitifs à celle plus perverse et odieuse des hommes prétendument civilisés ?
Selon les sensibilités diverses, chacun pourra librement se forger sa propre opinion mais il n'empêche que ce "Cannibal holocaust" reste une expérience unique, définitive, qu'aucun film ayant suivi le phénomène lancé n'arrivera à égaler malgré les différentes surenchères apportées ensuite, et troublante jusqu'à en devenir dangereusement malsaine, insupportable pour certains, mais aussi foncièrement graphique et hallucinante, jouissivement choquante pour d'autres !
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