Les années cinquante seront, avec la décennie suivante, la période d'or pour le Maître du suspense. Avec FENETRE SUR COUR, il lance son "cinéma de rêve" : grandes stars qui ont déjà travaillé avec cinéaste (dans La Corde et Dial M For Murder), photographie en Technicolor, et scénario qui mélange intrigue policière et la comédie romantique.
Dès les premiers dialogues, on sent que le film sera un plaisir immense pour le spectateur tant ceux-ci sont délicieux, originaux, magnifiquement bien écrits et parfois très drôles. La thématique du scénario est fort riche, passant en revue les différents visages de l'amour à travers les habitants que le héros espionne, voire même le concernant : passion, jalousie, solitude, haine et parfois violence. La relation entre Jeffries et Lisa est assez complexe, il serait d'ailleurs utile de revenir sur le personnage de Lisa, honteusement négligé et oublié, celui de Jeffries étant le centre de l'histoire et donc favorisé.
Lisa Frémont, jouée ici par l'inoubliable Grace Kelly, est une petite fille snob habituée à l'univers mondain de la ville de New York (mannequinat, musique, cinéma, peinture, etc...), pourtant amoureuse d'un garçon simple, mais froid et baroudeur, dont la passion ne peut les séparer, surtout quand elle décide de l'aider dans son enquête.
Hitchcock transgresse également les clichés des films Américains traditionnels : le héros masculin est une personne handicapée et vivant dans une chaise roulante tandis que son personnage féminin principal est actif, décisif et prenant des initiatives, même les plus folles, pour aider l'amour de sa vie. On est en droit de se demander si le cinéaste ne change pas de fusil d'épaule en livrant avec ce film une vision relativement féministe alors qu'il est souvent considéré comme sadique envers ses héroines.
D'un point de vue technique, la prouesse est d'autant plus remarquable car le film se déroule dans un seul décor : l'appartement de Jeffries. Sa réflexion sur qu'il propose sur l'univers du cinéma et sur la fascination de l'image en général est ici superbement développée, rendant le film encore plus passionnant pour le spectateur, qui se glisse vraiment dans la peau du personnage principal. A ce propos, la force d'Hitchock est justement celle d'oublier James Stewart afin que le public s'identifie à lui, mêne son enquête lui-même.
James Stewart incarne l'anti-héros par excellence. Son personnage transpire l'immoralité la plus crasse, sa manière d'épier les moindres faits et gestes de ses voisins le rendent antipathique, crapuleux, vicieux (lorsqu'il regarde la jolie blonde se tortiller en sous-vêtements) mais aussi humain (il sourit quand ses voisins descendent leur chien avec un panier), mais certainement pas attachant tant son obsession concernant l'enquête fait de lui un personnage proche de la folie pure et dure. Il est donc à la fois voyeur, cinéaste (il imagine et met en scène une histoire) et cinéphile (son sens d'observation et d'interprétation nous fait rappeler les grands polars de la même époque).
La technique de mise en scène d'Hithcock est une de plus parfaite mais si FENETRE SUR COUR est un film inoubliable, c'est parce qu'il est avant tout une de plus belles déclarations d'amour au cinéma et à l'image qu'éprouvent tous les êtres humains.
Un vrai chef-d'oeuvre comme on en fait malheureusement plus.
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