Nous venant de Hongrie, ce "Taxidermie" se délecte à afficher un mauvais goût volontaire mais la plupart du temps comique pour nous conter une histoire mélangeant harmonieusement ses situations surréalistes ou absurdes à une réalité sordide, tout faisant preuve d'une facilité bien trop flagrante.
Le script, découpé en trois parties distinctes, nous retrace une parcelle de vie de trois hommes de générations successives d'une même famille, ayant comme dénominateur commun un mode de vie excentrique.
Dans le premier segment, nous suivons la vie austère et rude d'un aide de camp de l'armée hongroise, servant la famille de son lieutenant dans les plus basses besognes ( ce qui nous vaudra une première séquence drôle dans sa démesure ), et surtout obsédé par le sexe et la masturbation au point de se mettre dans des situations délicates ( le coq ).
Le réalisateur parvient de façon remarquable à nous faire pénétrer dans l'univers et dans l'esprit de cet être un brin pervers et voyeur, peuplé de fantasmes parfois limites ( la petite fille et les étoiles ), en ayant recours à des images souvent très crues et brièvement pornographiques aussi bien pour suivre son personnage dans ses activités favorites que pour dépeindre son environnement dur ( la mise à mort de la truie ), dans une volonté bien évidente de choquer le spectateur, mais tout en adoucissant le propos par une ironie constante, présente par exemple dans le monologue de lieutenant mais aussi dans des situations incroyables et cocasses, et en présentant une chute caustique et surprenante.
L'auteur fera preuve dans cette première partie d'une maîtrise technique saisissante et étonnante, dans l'agencement de plans aux raccords impossibles mais invisibles, tout en alignant des cadrages originaux et novateurs.
Ensuite, le second segment nous invitera donc à suivre le fils de cet aide de camp dans un contexte complètement différent, puisque celui-ci est un "athlète" spécialisé dans une discipline "sportive" d'un genre douteux qui consiste à ingurgiter le plus de nourriture en un minimum de temps, donnant ainsi l'occasion au réalisateur de nous exposer le quotidien de ce personnage bien évidemment obèse dans une Hongrie communiste en pleine guerre froide d'un réalisme bluffant, pour se moquer gentiment du monde sportif mais surtout pour toujours chercher à écoeurer le spectateur devant le spectacle des ces personnages se gavant d'aliments jusqu'à devoir se faire vomir pour mieux reprendre la compétition ensuite, faisant ainsi preuve d'une absurdité démentielle, mais une fois encore le mauvais goût de cette partie du métrage sera atténue par l'histoire d'amour souriante naissant entre notre mangeur et une championne de la catégorie "viande", même si l'auteur se moquera de façon un peu facile des obèses.
Enfin, dans son dernier acte, l'intrigue avancera le dernier rejeton de cette lignée décadente, spécialisé dans la taxidermie et bien occupé à nourrir son père, devenu tellement énorme qu'il ne peut même plus se déplacer et végète en regardant la télévision ou en observant manger ses chats enfermés dans une cage.
Même si l'issue de ce segment proposera une idée assez folle, il sera quand même la plus faible du lot en étant prévisible ( le repas imprévu des félins ) et en ne s'intéressant que superficiellement à son personnage principal, ne nous laissant le temps que d'apercevoir ses difficultés dans un monde où il n'a pas sa place, à la vue de son univers rebutant.
Au travers de ces trois histoires surréalistes, le réalisateur verse quand même régulièrement dans la facilité pour étaler son mauvais goût et pour tenter d'écoeurer son spectateur et d'ailleurs, on a quand même l'impression que le métrage s'essouffle au fur et à mesure que l'on avance , notamment au niveau des personnages dont la personnalité devient de plus en plus artificielle et survolée, au point que le dernier segment semble bien vide et presque bâclé, reposant entièrement sur deux idées saugrenues.
Alors bien sûr, certains plans et plusieurs sous-entendus resteront gentiment choquants, mais jamais le film ne versera dans le "trash" en restant finalement plutôt sage dans sa démesure malgré la volonté affichée par l'auteur.
L'interprétation est convaincante, avec des interprètes crédibles et naturels et la mise en scène du réalisateur compense son aspect souvent laborieux par des fulgurances étonnantes.
Les effets spéciaux sont probants mais affichent eux aussi une certaine facilité dans l'étalage de viandes froides de la dernière partie.
Donc, ce "taxidermie" constituera quand même une expérience intéressante, drôle et parfois outrancière, mais ne parviendra pas à choquer outre-mesure les plus endurcis !
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