C'est bien loin des dérives fantastico-gores de ses débuts que le réalisateur Stuart Gordon nous livre ce "King of the ants", un thriller sec et d'une brutalité inouïe, mais hélas quelque peu prévisible.
Le script suit la descente aux enfers d'un jeune paumé qui, après avoir été le "dindon de la farce" dans une affaire de meurtre commandité par un entrepreneur véreux, va entreprendre de se venger.
D'entrée, le métrage va commencer sa mise en situation en nous présentant son personnage principal, Sean Crowley, un jeune homme sans histoire ni ambition survivant grâce à des petits boulots qui va rencontrer le "bras droit" d'un industriel spécialisé dans le bâtiment vraisemblablement louche, puisqu'il va proposer à notre homme de filer assidûment un comptable municipal, permettant ainsi au réalisateur de bien nous familiariser avec son "héros" de manière assez légère, malgré une menace insidieuse constituée par ses nouveaux amis quand même inquiétants malgré leur apparente désinvolture.
Mais ensuite, lorsque le meurtre du comptable sera évoqué, au cours d'une séquence bien évidemment attendue mais visualisée de manière troublante et efficace, l'intrigue prendra une tournure bien plus noire et jusqu'au-boutiste lorsque Sean accomplira sa mission de façon maladroite mais en faisant preuve d'une violence froide lors d'une scène épatante et douloureuse, plaçant le spectateur en porte-à-faux vis-à-vis d'une situation inconfortable au cours de laquelle il ne saura pas de quel côté se placer.
Mais hélas pour le personnage principal, en rien prédisposé à ce passage à l'acte au cours duquel il perdra une bonne partie de son innocence, ce meurtre ne sera que le début de ses ennuis puisque en plus de refuser de le payer, le commanditaire va le harceler et finalement le séquestrer dans un ranch isolé en plein désert.
Et ce sera cette partie du métrage qui sera la plus méchante et brutale, nous faisant suivre le véritable calvaire entaché de tortures enduré par Sean de façon très crue et barbare, avec de nombreux détails sanglants et violents, tout en insistant bien sur la froideur et le détachement de ses bourreaux ayant perdu toute humanité ( sauf pour l'un d'entre eux qui prendra presque Sean en pitié ).
Après une évasion quelque peu opportuniste et pas franchement crédible, l'intrigue va, tout en offrant à son personnage principal une accalmie elle aussi porteuse de menaces, s'attacher à nous dépeindre sa vengeance tout aussi féroce lors d'un final sauvage.
Alors bien sûr, l'intrigue en elle-même n'a rien d'innovante avec un fort relent de déjà-vu, mais c'est le traitement imposé par le réalisateur qui parvient sans mal à donner toute sa force et sa virulence au film.
En effet, et même si le spectateur connaissant le parcours de Stuart Gordon pouvait s'attendre à un dérapage vers le fantastique qui ne viendra que pour quelques brèves hallucinations terriblement visuelles, c'est l'expression très crue de la violence qui pourra interpeller, tant les scènes brutales sont légions dans le film, amenées sans fioriture et voyant leur effet renforcé par la manière particulière de filmer impliquant directement le spectateur qui se retrouve au milieu des protagonistes.
En plus, et même si le rythme du film n'est pas virevoltant, Stuart Gordon arrive à toujours installer des situations instables et porteuses de menaces sous-entendues ou bien réelles qui ne laisseront pas le moindre répit au spectateur.
Enfin, la transformation progressive du personnage principal sera particulièrement bien rendue et laissera le spectateur incertain quant à la nature de ses relations avec celui-ci, en oscillant entre une pitié bien légitime devant les sévices endurés avec de nombreux détails peu ragoûtants et une aversion devant ses propres méfaits.
L'interprétation est convaincante, avec un étonnant inconnu, Chris McKenna définitivement crédible et malgré la présence de l'irritant Daniel Baldwin, tandis que la mise en scène de Stuart Gordon est d'une efficacité imparable en immisçant parfaitement le spectateur dans l'action.
Les effets spéciaux sont probants, aussi bien lorsqu'ils versent dans un gore violent mais réaliste et bien moins expansif que dans "Re-Animator" et consorts, que lorsqu'il s'agit de visualiser les délires du personnage principal, avec notamment une étrange et étonnante créature scatologique.
Donc, ce "King of the ants" sera un véritable coup de poing porté à son spectateur, dévastateur et d'une violence sèche et époustouflante !
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