Au cours des années nonante, le cinéma de Takeshi Kitano a atteint son apogée et a propulsé le cinéaste au rang des plus grands metteurs en scène Japonais de l’histoire, derrière Kurosawa, bien entendu. A SCENE AT THE SEA, sorti en 1991, n’est que son troisième long-métrage mais il s’impose d’emblée comme une œuvre majeure de son auteur, voire même son chef-d’œuvre absolu, touché par la grâce de sa sensibilité unique, si chère au réalisateur, sensibilité qui nous conduira tout au long du film à travers la vie de ses héros principaux.
Shigeru est sourd et muet, tout comme sa petite amie pour laquelle il lui dévoue tout son amour, vivant chacun leur handicap comme un lien affectif que rien ne peut séparer ni briser. En trouvant une planche de surf après avoir dégagé les poubelles, il décide de répondre présent au bruit des vagues, à l’appel silencieux de l’océan et se trouvera une nouvelle passion.
Les autres protagonistes sont assez bavards mais on pourrait considérer l’œuvre de Kitano comme un film muet, dont l’intérêt passe par la beauté de la simplicité des situations face auxquelles nos tourtereaux sont confrontés.
Kitano joue énormément sur les regards et les expressions de ses protagonistes, leur donnant une force émotionnelle qui ne faiblit jamais, surtout quand la petite amie de Shigeru encourage l’amour de sa vie à vivre sa passion et sa fascination pour le surf, mais surtout pour la mer. Le réalisateur nous montre surtout deux personnes qui, habitués à vivre dans leur petit monde exigu, se tournent enfin vers l’immensité de la mer afin d’explorer de nouveaux horizons inconnus jusqu’à présent, pour s’ouvrir au monde. Les acteurs principaux livrent ici des prestations sobres mais sublimes, toutes en retenue, n’en faisant jamais trop, confirmant également que Kitano n’est pas qu’un génie de la mise en scène et un technicien hors paire, mais qu’il possède aussi un don extraordinaire pour la direction d’acteurs.
Peu de dialogues, juste des plans d’une beauté implacable donnant du corps à une histoire d’amour simple mais sublime, au service d’un film calme, contemplatif et d’une sincérité que Kitano n’a malheureusement plus retrouvée depuis.
Un pur chef-d’œuvre !
|