Deuxième film réalisé en Pologne en 1972 par le grand cinéaste polonais Andrzej Zulawski (l’auteur des excellents Possession avec Isabelle Adjani, L’important c’est d’aimer avec Romy Schneider ou encore de La femme publique avec Valérie Kaprisky), après le magistral La troisième partie de la nuit, Le diable a été d’emblée interdit par la censure polonaise et n’a pu être libéré qu’en 1998.
Film radical, provocateur, d’une folle audace, Le diable est un spectacle baroque proprement hallucinant, d’une maîtrise formelle et esthétique renversante, surtout venant de la part d’un jeune cinéaste seulement âgé de 32 ans. Le film suit la folie meurtrière d’un jeune aristocrate au XVIIIème siècle, sans que le caméra ne quitte jamais ce corps qu’elle suit au plus près, dans ses moindres faits et gestes.
Les obsessions de Zulawski : autodestruction, hystérie, animalité de l’homme, folie furieuse, qu’il développera plus tard dans son œuvre française, sont déjà en germe dans Le diable.
Ce film à la mise en scène épileptique (typique de Zulawski), successions ininterrompues de plans secs et saccadés toujours en mouvement, de hurlements, de convulsions, d’éclats de violence terrifiants, laisse le spectateur pantois, épuisé, qui peut finir par rejeter totalement le film.
Il en résulte un opéra baroque de feu et de sang, qui dresse un tableau terrible de l’Etat polonais en total décrépitude. Dès le premier plan du film, le jeune héros sort d’un asile d’aliénés qui n’est en fait qu’une métaphore du démembrement de la Pologne. Et l’atmosphère morbide du film, accentuée par l’ivresse de la caméra, emmène le protagoniste et le spectateur au bord de la folie, au bord du dérèglement, le long d’un lent chemin de croix ne laissant que des cadavres.
Bien que l’action du film se déroule au XVIIIème siècle, les autorités polonaises y ont vu une attaque de l’Etat polonais, d’où l’interdiction totale du film de Zulawski qui n’a été levée qu’en 1998.
Malsain, morbide, dépressif, fou, incontrôlable, Le diable est une expérience unique. Le film n’est certes pas aimable, ne plaira pas à tout le monde mais il ne peut laisser indifférent.
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