Réalisé en 1998 par le grand cinéaste italien Marco Bellocchio, auteur des remarquables Les poings dans les poches et Le saut dans le vide, et adapté de Pirandello, La nourrice est un fascinant drame psychologique.
Le film se déroule à Rome au début du siècle. Mori (Fabrizio Bentivoglio), un psychiatre, et son épouse Vittoria (Valeria Bruni-Tedeschi, impeccable comme toujours) viennent d’avoir un bébé que Vittoria semble refuser. Une jeune nourrice, Anetta (Maya Sansa, très convaincante, que Bellocchio retrouvera pour son magnifique Buongiorno notte) est alors engagée pour allaiter le bébé. Sur cette trame fort simple, Bellocchio réalise, dans un style fluide et élégant, un film troublant à l’atmosphère sensuelle et ambiguë. Il en profite pour se livrer à une étude de mœurs particulièrement fine sur la bourgeoisie italienne du début du siècle. L’arrivée de la belle Anetta, jeune femme illettrée mais simple et spontanée, issue de la campagne, épouse d’un révolutionnaire jugé séditieux et incarcéré, provoque un malaise qui va faire éclater le couple et qui peut aussi être vu comme le malaise de la bourgeoisie.
Bellocchio traite évidemment de la lutte des classes de manière détournée mais n’oublie pas de décrire ses personnages dans toute leur complexité, que cela soit Vittoria, qui refuse sa maternité parce qu’elle lui fait peur, Mori, de moins en moins convaincu par le sens de son travail de psychiatre et enfin l’énigmatique Anetta. Anetta est vue comme un pur concentré d’émotions, de sentiments. Elle semble ressentir chaque chose pour la première fois. Face à cette évidence, cette simplicité, les époux Mori se retrouvent démunis. Dans un contexte explosif, où les manifestations révolutionnaires se multiplient, le sens des valeurs commence à vaciller. Et c’est en apprenant à lire et à écrire à Anetta que Mori prend conscience de la force incroyable des mots et des idées, pouvant servir à des fins politiques mais aussi intimistes, lui permettant ainsi d’enfin s’intéresser aux problèmes de son épouse, lui qui n’a jamais cherché à al comprendre.
Surtout, Bellocchio préserve des zones d’ombres, ne cherchant pas à tout expliquer, ce qui rend le film d’autant plus fort et troublant.
|