Au hasard Balthazar :
Réalisé en 1966 par l’immense cinéaste français Robert Bresson, auteur des chefs d’œuvre Un condamné à mort s’est échappé ou Pickpocket, Au hasard Balthazar est un nouveau choc cinématographique et émotionnel.
Les premières scènes du film sont bouleversantes : on voit trois enfants, dont Marie et Jacques, qui jouent innocemment avec l’ânon Balthazar, le baptisent, l’aiment. Bresson ne porte pas de jugement ni adulte ni attendri, il filme seulement avec une distance parfaite l’enfance, l’innocence, l’amour, les jeux, l’harmonie… De ces images épurées de tout superflu, seulement rythmées par la superbe sonate n°20 de Schubert, naît une émotion inattendue, un instant sublimé dont on aimerait qu’il dure une éternité. Mais Bresson est lucide : le bonheur ne peut pas durer tout le temps, surtout dans une société inégale, injuste, terrible.
L’âne Balthazar porte un regard sur le monde (d’où ces inserts permanents sur l’œil de Balthazar) et suit toutes les étapes de la vie humaine, de l’enfance à la mort. Son destin ne cesse de croiser et recroiser celui de Marie (sa première maîtresse sortie de l’enfance, interprétée par l’excellente Anne Wiazemsky) qui, comme lui, fait l’apprentissage de la vie, ou plutôt de la douleur de la vie. Confronté à tous les travers de l’humanité (orgueil, avarice, méchanceté, violence,… ), Balthazar est comme une figure sainte qui observe en silence le mal du monde, mais il en est parfois aussi la victime. Balthazar n’est pas un bloc mais ressent au contraire les choses, il est comme le réceptacle des fautes commises par les hommes, il supporte le poids des péchés. Il mourra d’ailleurs en martyr victime de trop de souffrance et de l’incompréhension des hommes. Son chemin de croix rencontre à plusieurs reprises celui de Marie, figure sainte également, qui ne cesse de se faire malmener elle aussi par les hommes et qui finit par disparaître tout simplement du champ. Dans ce monde, il n’y a plus de place pour l’innocence, semble nous dire Bresson.
Parabole épurée sur la douloureuse quête de la grâce, Au hasard Bazlthazar est un chef d’œuvre absolu, un film terrible sur le mal du monde, d’un pessimisme total, qui reste longtemps dans les mémoires par ses images d’une puissance phénoménale. Sommet de l’art bressonien, Au hasard Balthazar est une pure merveille que tout cinéphile se doit d’avoir vu.
10/10
Mouchette :
Réalisé en 1967 par l’immense cinéaste français Robert Bresson, auteur des géniaux Le journal d'un curé de campagne ou L'argent, juste après son formidable Au hasard Balthazar, Mouchette en reprend la même thématique, à savoir la recherche de la grâce et de la sainteté dans un monde injuste et inégalitaire, pour Mouchette, et de nouveau, le cinéaste en fait un chef d'oeuvre.
Adapté d'un roman de Bernanos, Mouchette est un modèle d'épure typique du cinéma exigeant de Bresson. Le film suit la destin d'une fille perdue prénommée Mouchette qui fait l'expérience de la cruauté du monde. Mouchette n'a rien : sa mère se meurt dans d'atroces souffrances, un père alcoolique, elle-même est constamment marginalisée, humiliée, battue, victime de la bêtise humaine et s'enlise au fur et à mesure dans le mal du monde. L'innocence n'a plus cours dans un monde hideux, déformé par la haine et la nature humaine, l'enfance est constamment bafouée et Mouchette n'a que la mort comme échappatoire, dans une scène finale magistrale, où la fille semble jouer puis roule, roule et se noie, dans l'indifférence générale. Au son de la superbe musique de Claudio Monteverdi, le destin à la dérive de Mouchette est tout tracé, inéluctable. Le spectateur suit son cheminement, de ses errements à sa mort, impuissant, tétanisé.
Sombre et sans issue, Mouchette est aussi pessimiste que pouvait l'être Au hasard Balthazar. Le suicide de la fillette devient alors un appel à l'aide, tout en plaidant en faveur de toutes les victimes. La mise en scène de Bresson s'attache à l'essentiel et garde tout le long du métrage une rigueur implacable.
A part dans le cinéma français et même mondial, Bresson est un cinéaste essentiel, obsessionnel, qui ne doit rien à personne et dont chaque oeuvre est empreinte d'absolu. Mouchette est l'un de ses chefs d'oeuvre (mais Bresson n'a fait que des chefs d'oeuvre) et est le complément indispensable à Au hasard Balthazar.
10/10
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