Véritable étendard du "Vigilante movie", ce premier "Un justicier dans la ville" a su malgré le poids des années conserver sa force et son pouvoir d'évocation au travers d'un sujet hélas toujours d'actualité.
En effet, le script suit la dérive sécuritaire d'un homme qui, après l'agression violente de sa femme et de sa fille par petites frappes, va écumer les rues et les bas-fonds de New-York pour y tuer les voyous et autres délinquants.
Après une courte séquence d'introduction nous montrant ce couple tranquille en vacances à Hawaii, nous le retrouverons pour son retour à New-York ( avec un changement de décor total ) et la reprise de ses activités, puisque l'homme, Paul Kersey, travaille dans un cabinet d'architecte, où déjà on ne parle que de l'insécurité galopante, tandis que son épouse vaque à ses occupations ménagères. Mais rapidement, celle-ci, après avoir fait quelques courses dans un supermarché où des voyous s'amusent à semer le désordre, vont se faire agresser et presque violer par ces derniers à leur domicile, lors d'une séquence très violente et douloureuse qui aboutira à la mort de la mère et rendra la fille, choquée, complètement neurasthénique.
Le réalisateur Michael Winner profitera de cette situation pour bien mettre en avant une certaine inertie de la police et la violence aveugle de ces voyous désoeuvrés, tout en nous plaçant devant un homme abattu par le chagrin qui va aller travailler sur un projet loin de la ville, en Arizona, terre des pionniers américains, et se lier d'amitié avec son hôte, tireur dans un club spécialisé, qui lui offrira un colt en souvenir de son passage chez lui.
Et c'est avec cette arme qu'il va d'abord plus ou moins intentionnellement tuer un délinquant qui voulait le détrousser de son argent, avant de se rendre volontairement dans des endroits louches et dangereux afin d'en éliminer la racaille y régnant, tandis que la police enquête et que les médias font leur beurre avec ce "justicier" nettoyant les rues.
Au-delà du constat illustrant l'auto-défense, que certains n'ont pas hésité à qualifier de "fasciste", l'intrigue suivra la trajectoire de cet homme qui de sensibilité ancrée à gauche ( et ancien objecteur de conscience ) va se transformer en justicier sécuritaire frappant de manière presque aveugle au sein des voyous de la faune new-yorkaise, parfois même en cherchant clairement à se faire attaquer pour mieux répondre, en clarifiant bien les différentes étapes de cette "transformation" subtile et progressive, qui sans pour autant la justifier clairement ou l'approuver, va rendre cette revanche presque salutaire, comme un exutoire à la douleur ressentie à la perte de l'être aimé et devant l'état de santé affligeant de sa fille, alors que les "victimes" du justicier resteront stéréotypées mais présentées également sans équivoque sous un mauvais jour qui ne fera pas ressentir leur mort comme une grosse perte pour la société.
Et tout en incriminant également les médias, qui vont bien entendu se saisir et se délecter de cette affaire, le métrage va aussi fustiger l'attitude de la police, coincée entre un meurtrier de délinquants et un taux de criminalité baissant largement suite à ces morts.
Ce sera donc au seul spectateur de se forger sa propre opinion devant l'ambiguïté du propos de Michael Winner qui n'hésite pas à présenter un New-York assez déliquescent, gangrené par la violence, où la police semble débordée, laissant ainsi le champ libre à Paul Kersey et à sa justice terriblement expéditive, puisqu'il achèvera sans pitié des voyous blessés à terre et tirera dans le dos de ceux essayant de s'enfuir.
L'interprétation est cohérente, même si Charles Bronson reste un peu trop monolithique et ne laisse passer que peu de sentiments, et la mise en scène du réalisateur est soignée, vive et permet au métrage de se dérouler sur un rythme alerte et continu, faisant se succéder les situations sans temps morts.
Donc, ce "Un justicier dans la ville", sujet à polémique lors de sa sortie, n'en demeurera pas moins un excellent polar assez méchant et dynamique, au-delà même de son idéologie discutable !
|