L’empreinte de Frankenstein est un peu à part dans le cycle consacré au personnage par la Hammer Films ; et ce pour au moins deux raisons : tout d’abord, en lieu et place Terence Fisher, c’est cette fois-ci Freddie Francis (réal du sympa La chair du diable, directeur de la photo sur Les Innocents de Jack Clayton, et sur certains films de David Lynch) qui s’y colle, et de bien belle manière. Deuxième différence, le film renoue avec une esthétique Universal (notamment en ce qui concerne le maquillage de la créature) alors que le traitement habituel chez la Hammer était à l’opposé. Ces écarts par rapport au cycle ne diminuent pas pour autant la force du film : il s’agit notamment d’une des plus belles interprétations de Cushing dans le rôle, à la fois déterminé et vulnérable. De plus, le film vient tout de même s’inscrire en plein dans la saga, puisque le personnage de Hans, qui a été recruté par Frankenstein dans le magistral La revanche de Frankenstein, est présent ici aux côtés du Baron. Leur arrivée dans la ville de Karlstaad provoque aussi des clins d’œil au reste de la série.
Comme on l’a dit plus haut, Frankenstein est ici vraiment présenté comme un outcast, rejeté de toute société et se retrouvant au même niveau que les handicapés, les infirmes, à l’image de la jeune fille sourde-muette qui va offrir refuge au duo Frankenstein / Hans. D’ailleurs, ces personnages en marges seront souvent représentés dans la saga, en particulier la fille muette qu’on retrouve dans Frankenstein et le Monstre de l’enfer. Alors que d’autres films (le retour de Frankenstein, Frankenstein et le monstre de l’enfer, et plus largement toutes les contributions fishériennes) donnent au baron une image terrible dans sa volonté démiurgique de triompher de la mort, il est plus ici montré comme une victime de l’incompréhension du reste de la société : c’est sûrement plus proche que ce que éprouve le personnage lui-même, alors que Terence Fisher apportera rapidement un regard plus distancié et critique sur le personnage. La séquence finale de L’empreinte de Frankenstein appuie cette vision de façon éloquente. Comme souvent dans les productions Hammer et dans les Frankenstein, le film trouvera sa fin dans un feu expiatoire, indiquant tout de même bien que s’il se prend pour Dieu et arrive donc à donner la vie (un plan du début du film le montre même faire battre un cœur, alors dépourvu de vie, à la main), ce n’est pas lui qui décide de la fin des choses : poussière nous redeviendrons poussière...
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