Pour son second long métrage "officiel", le réalisateur Abel Ferrara s'attaque au "Rape & revenge" avec cet "Ange de la vengeance", pour nous livrer une oeuvre pourtant atypique dans le genre, directe, sans concession, mais en même temps quelque peu surréaliste.
Le script nous dresse le portrait d'une jeune femme muette bafouée par deux viols dans la même journée qui va se venger de la gente masculine en éliminant les hommes l'approchant d'un peu trop près.
D'entrée, le métrage nous présente son personnage principal, Thana, une frêle jeune femme travaillant chez un couturier vaguement extravagant, que nous suivrons dans son travail puis dans la rue en compagnie de ses collègues pour s'apercevoir que cette demoiselle timide est muette, laissant ce handicap créer une sorte de barrière entre elle et les autres.
Abel Ferrara ne s'attardera pas sur les présentations pour tout de suite lancer son intrigue en installant rapidement une tension lorsque nous suivrons en parallèle un cambrioleur pénétrant dans un appartement que nous devinerons être celui de l'héroïne et celle-ci en train de faire ses courses dans un supermarché, s'attendant ainsi à un confrontation imminente, ce qui rendra encore plus impactant le premier viol subie par Thana, attaquée et violée au milieu d'ordures dans une ruelle sordide par un inconnu portant un masque ( et joué par Abel Ferrara ). Et lorsque Thana finira par pouvoir rentrer chez elle, ce sera pour effectivement tomber sur ce cambrioleur qui va bien vite remarquer la tenue débraillée de Thana et qui va à son tour abuser d'elle. Sauf que notre demoiselle va réussir à assommer son agresseur avant de l'achever avec un fer à repasser et de le traîner jusqu'à sa baignoire, non sans avoir récupérer son Colt 45 avant lequel il l'a menacé.
Au cours d'un passage à vide remarquablement filmé, Thana va avoir une révélation sur le moyen de se débarrasser de son agresseur mort gisant dans sa baignoire puisqu'elle va le découper en morceaux ( dans un hommage au "Blue holocaust" de Joe D'Amato ? ) et balancer les différentes parties enfermées dans des sacs plastiques noirs dans différents endroits de la ville. Ce sera au cours d'une de ces escapades qu'elle sera amenée à tirer sur un jeune homme en pleine tête, annonçant ainsi le changement qui va commencer à s'opérer pour faire d'elle une prédatrice éliminant les hommes rodant autour d'elle.
Au delà des séquences violentes parcourant le métrage pour illustrer les virées nocturnes de Thana et ses rencontres avec des hommes qui s'achèveront dans le sang, ce sera la lente transformation de l'héroïne qui intéressera le réalisateur, celle-ci passant de l'état de frêle jeune femme encore affaiblie par son handicap ( comme nous le montrera clairement cette séquence révélatrice du début du film au cours de laquelle ne pouvant répondre aux avances grossières de quelques voyous elle baissera la tête ) à celui de tigresse sans merci envers les hommes ( tous présentés ici comme des obsédés ) ayant le malheur de croiser son chemin.
Cette transformation tant physique ( Avec l'emploi d'un maquillage presque outrancier pour être sûre de bien se faire remarquer ) que psychologique dévoilera le désordre mental teinté de paranoïa dans lequel va sombrer Thana pour, du dégoût initial après son premier crime ( rejoignant ainsi son "cousin" Paul Kersey dans "Un justicier dans la ville" ), laisser sa place à une résignation nihiliste qui éclatera dans l'époustouflante séquence finale filmée au ralenti, effet qui renforcera encore l'impact de cette scène terrible.
Le réalisateur utilisera de nombreux symboles pour accroître ses effets, ainsi l'utilisation d'un Colt 45 comme arme favorite ne sera pas innocent, tout comme le prénom même de l'héroïne, alors que la couleur "rouge sang" du rouge à lèvres mis par Thana sera le reflet du sang qu'elle souhaite faire couler.
Mais le réalisateur profitera également du film pour mettre en avant quelques personnages hauts en couleur, comme ce couturier dragueur et surtout cette logeuse extravagante qui alimentera avec son chien quelques situations porteuses d'un humour très "second degré" avec en même temps une certaine fatalité, tandis que les victimes auront quand même chacune une personnalité propre et avérée.
L'interprétation est stupéfiante, avec une Zoë Lund véhiculant un naturel incroyable à tous les stades du métrage, alors que la mise en scène d'Abel Ferrara est inventive, tout en prouvant si besoin en était qu'il n'a pas son pareil dans l'art de filmer les recoins urbains sombres et mal famés.
Donc, cet "Ange de la vengeance" restera une oeuvre forte, implacable et dérangeante jusque dans la délicate position dans laquelle se retrouve le spectateur face à l'héroïne !
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