CRITIQUE DVD

"L'assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford", ou comment choisir délibérément de dévoiler toute l'intrigue d'un film via son appellation. Comme pour ôter toute trace de suspense et décentrer complètement son action, Andrew Dominik choisit, pour son deuxième long-métrage en tant que réalisateur, d'anéantir tout effet de surprise en annonçant au spectateur que Jesse James, interprété par un Brad Pitt d'une sobrieté magnifique, mourra bel et bien à la fin de son film. Mais là n'est pas l'enjeu.

Sur une durée étalée (2H40 tout de même), est conté avec la lenteur d'une marche funèbre le jeu d'évitements et de croisements entre Jesse James, figure emblématique du crime à la fin du XIXème siècle rapidement dépassée par sa légende, et son futur meurtrier, l'un de ses admirateurs les plus fascinés mais aussi les plus entêtés. Ce dernier, Robert Ford, est campé par un Casey Affleck troublant, énigmatique jeunôt à la voix haut-perchée et à la dégaine bancale, le regard fuyant toujours ses responsabilités. Les rôles (figure charismatique / Lâche et fourbe enfant vénal) ne gardent leur pendant positif ou négatif que très peu de temps, la grande force du film étant de ne blâmer personne et de montrer chacun des personnages sous son jour le plus attachant. Ainsi, Jesse James, de plus en plus rongé par la paranoïa, décime un à un ses complices de crime, de peur d'avoir été trahi par chacun d'entre eux. A partir de là, la caméra ne filme plus guère de légende, mais un homme rongé par ses démons, exténué et conscient de sa folie naissante. S'il choisit finalement de se livrer dans une sorte de suicide assisté de toute beauté, c'est parce qu'il est avant tout un homme malheureux, que sa propre légende commence à grignoter. Les deux ne peuvent cohabiter davantage, et Robert Ford, qui tue la légende, en viendra finalement à regretter l'homme, qui lui manquera terriblement tout le reste de ses jours, et qui signera, à lui aussi, son arrêt de mort.

Cette fresque crépusculaire, portée par des images magnifiquement peintes, joue constamment son drame intime à la lisière de la poésie, via une photographie léchée, mais aussi grâce à une partition musicale riche et émouvante, imprimant sa mélancolie et sa douceur à une oeuvre qui n'a pas fini de déconcerter. Une oeuvre étrange, exaltée, qui hante longtemps, et dont l'aura magnétique dépasse de très loin sa durée imposante.

Le cinémascope, classieux, rend hommage aux puissants tableaux hivernaux qui caractérisent le film, composés pour la plupart dans des teintes ocres et claires. Une très bonne gestion des noirs profonds qui carcatérisent les scènes nocturnes (nombreuses et très souvent éclairées à la flamme d'une lampe à huile) rend la vision du film on ne peut plus réjouissante.

Des deux pistes en Dolby Digital 5.1, il faut bien entendu préférer la version originale en anglais à son homologue français, tant la répartition des dialogues et la qualité de l'interprétation sont déteriorées par l'enclenchage de la seconde option.

Un seul et unique supplément agrémente cette édition à deux galettes. Il s'agit du documentaire "Mort d'un Hors la loi" (32'), déjà présent sur les éditions HD du film aux USA. Il revient sur l'histoire de Jesse James, informant notamment sur sa plus petite enfance, et enrichissant la vision cinématographique d'une pointe d'Histoire. Basé sur de nombreuses interventions de spécialistes ou des acteurs, ce document comporte également quelques bribes d'images du tournage, ce qui rappelle cruellement l'absence de making-of pour un film dont on aurait voulu savoir davantage. Pas mauvais mais franchement insuffisant.

Fort heureusement, l'épouvantable visuel de l'édition simple est ici troqué au profit de l'affiche originale du film, bien plus en phase avec l'oeuvre en elle-même et surtout, beaucoup plus émouvante - et belle ! Le graphisme de la jaquette n'est pas en reste, notamment avec un verso élégant et bien organisé. En revanche, les sérigraphies feront moins l'unanimité, avec leurs nombreux logos (habituels chez Warner) et un manque de cohérence visuelle entre les deux disques. Le tout est disposé dans un amaray noir à deux alvéoles, dépourvu de fourreau ou d'un quelconque packaging spécial.

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