Avec ce "Les démoniaques", notre compatriote Jean Rollin délaisse ses chers vampires pour une intrigue pour une intrigue tout aussi fantasmagorique, mais tranchant dans sa filmographie par une violence bien présente, toujours alliée à un érotisme assez osé.
Le script suit la vengeance de deux jeunes femmes qui, rouées de coups et violées par des pirates, vont pouvoir faire appel à un être surnaturel (le Diable ?) pour avoir la force nécessaire à leur vengeance.
Le réalisateur ne va pas y aller par quatre chemins pour nous présenter ses personnages principaux, trois hommes et une femme, en laissant une voix-off nous décrire leur personnalité alors que tour à tour ils seront encadrés à l'écran, avançant ainsi quatre naufrageurs, ces individus pillant les bateaux qu'ils avaient au préalable dirigé vers les récifs.
C'est donc à l'ouvrage que nous allons retrouver ces protagonistes, pour les voir ramener deux caisses contenant quelques bijoux jusqu'à ce que deux demoiselles, certainement des rescapées du bateau coulé, n'arrivent sur la plage et demandent de l'aide. Au lieu de les aider, deux des pirates vont les poursuivre et les violer sur la plage et dans les rochers, tandis que le Capitaine, le chef du petit groupe, se chargera de satisfaire Tina, la femme du groupe. Cette première séquence pourra quand même surprendre par une certaine violence crue, puisque les hommes vont ensuite frapper lourdement leurs deux malheureuses victimes, les laissant pour mortes, alors que l'érotisme sera également de la partie en s'attardant longuement sur les charmes de Tina.
Ensuite, l'intrigue va s'installer dans le bar décadent du village où le Capitaine va avoir des hallucinations des deux jeunes femmes, avant d'apprendre de la bouche d'un marin qu'elles sont encore vivantes et errent dans un cimetière à bateaux. Rapidement, le Capitaine et ses sbires vont aller sur place pour essayer de finir le travail commencé sur la plage, mais après un jeu de cache-cache qui énervera les pirates au point de leur faire embraser les carcasses de navires échouées pour faire sortie les fugitives de leur cachette, les deux jeunes femmes vont pouvoir s'enfuir et se rendre dans "les ruines", un endroit maudit évité de tous, où elles vont rencontrer de biens curieux personnages.
L'intrigue s'attardera ensuite sur la paranoïa du Capitaine, tout en suivant les eux rescapées qui vont libérer un étrange individu qui va leur donner son pouvoir en s'accouplant avec elles, et ce afin qu'elles puissent retrouver au village et se venger.
Contrairement à la plupart de ses autres longs métrages, Jean Rollin livrera ici une intrigue délivrant une action récurrente, ne s'arrêtant que rarement pour se laisser aller à ses habitudes faites de longues tirades énoncées par des personnages théâtraux à la "poésie" surréaliste avérée pour préférer avancer des situations plus brutales, le Capitaine et ses acolytes passeront ainsi leur temps à dévaster le bar ou à se battre, parfois même entre eux, quand ce en sera pas Tina qui tentera de réconforter à sa manière le Capitaine.
Mais même dans ce contexte d'apparence bourru, Jean Rollin parviendra quand même à placer une ambiance gothique et fantasmagorique grâce aux situations se déroulant dans "les ruines", avec notamment ce personnage grimé en clown complètement hors-sujet qui viendra accueillir les deux naufragées, et laissera un final bien triste clore le métrage qui s'achèvera sur une note mélancolique.
Mise à part une certaine violence assez visuelle et offrant des situations barbares (les viols que subissent les demoiselles), le métrage mettra en avant un érotisme assez poussé mais jamais salace en esthétisant ces séquences, ainsi que des éléments purement ésotériques (le don de double-vue de la tenancière du bar) qui renforceront l'aspect irréel et hors du temps de l'ensemble.
L'interprétation est plutôt cohérente, avec une Joëlle Coeur qui ne sera certes pas avare de ses charmes mais aura quand même plus de difficulté à réciter ses textes, alors que Jean Rico sera quand même plus percutant dans le rôle du Capitaine. La mise en scène de Jean Rollin arrive cette fois-ci à donner un rythme linéaire au métrage, tout en magnifiant ses décors et la beauté naturelle des côtes et de l'océan et en donnant un aspect fantomatique impactant à ses deux survivantes vengeresses.
Donc, ce "Les démoniaques", par sa vigueur presque inhabituelle chez le réalisateur pourrait bien être une bonne entrée en matière pour quiconque souhaiterait découvrir l'oeuvre de Jean Rollin que l'auteur qualifie lui-même d'expressionniste.
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