Nous venant de Corée, ce "Memories of murder" a vraisemblablement largement mérité son grand prix au festival du film policier de cognac en 2004, grâce à sa capacité à livrer une action aussi tendue que parfois souriante dans un humour assez décalé, tout en parvenant à jouer avec les émotions, parfois contradictoires, de son spectateur.
Le script suit l'enquête d'une brigade de police suite aux meurtres et aux viols de quelques jeunes femmes dans une petite ville coréenne.
D'entrée, le métrage va mettre en avant le personnage principal, un policier, se rendant sur les lieux d'un crime pour découvrir une jeune femme morte ligotée et bâillonnée au bord d'un champ, déclenchant une enquête de "routine" auquel de laquelle notre homme va interroger différents suspects. Cette introduction, tout en avançant un aspect assez macabre avec la découverte de ce corps couvert d'insectes, se donnera également un ton plus léger avec ces différents "témoins" assez cocasses et présentés de la sorte par le réalisateur.
Un second meurtre, dont nous suivrons la découverte du corps et l'impossible travail de la police sur une scène de crime souillée par la population ne respectant pas le périmètre de sécurité, va reproduire le même schéma que le premier et grâce à une rumeur, les inspecteurs vont interpeller un simple d'esprit, qui fera un coupable idéal pour des policiers qui ne vont pas hésiter à créer des preuves et à user de la violence pour espérer lui soutirer des aveux forcés, mais l'arrivée d'un troisième inspecteurs directement débarqué de Séoul (et accueilli de manière "spéciale", montrant bien du coup la psychose régnant dans la contrée) va bouleverser la donne.
En effet, le métrage va largement s'intéresser aux méthodes peu orthodoxes des membres de cette brigade, entre violence et chantage pour laminer ce pauvre "idiot du village" et ainsi clore l'affaire malgré une culpabilité plus que prématurée, faisant ainsi contraster cette démarche brutale avec celle bien plus scientifique et "américanisée" du nouvel arrivant, ce qui ne sera pas forcément pour plaire à ses nouveaux collègues de travail.
Le métrage gagnera aussi sa crédibilité en s'ancrant farouchement dans le quotidien coréen, entre ces exercices d'alertes récurrents et ces manifestations régulières, tout en employant aussi divers traits liés à la religion (le chamanisme) pour faire avancer l'enquête et en fustigeant l'incroyable médiatisation de l'enquête, mais ce sera également par des rebondissements très réguliers et avançant de nouvelles pistes que le métrage va impliquer définitivement son spectateur, chaque élément venant apporter sa pierre à l'édifice, tout en offrant des perspectives nouvelles, et ce même si certains indices pourront sembler quelque peu opportuns (la chanson à la radio, la découverte de la victime survivante), alors que d'autres, pourtant évidents (le témoin) seront laissés de côté par nos enquêteurs.
Le réalisateur parviendra avec brio à alterner ses séquences tendues dans une atmosphère à la "Seven" (les passages à la morgue, l'ambiance pluvieuse entourant les meurtres), porteuses d'un suspense conséquent et parfois vraiment étouffant avec d'autres porteuses d'un humour décalé en suivant le quotidien de ces policiers ayant perdu leurs illusions, ce qui finira par les rendre attachants malgré les griefs de leurs méthodes d'investigation, tout en nous faisant découvrir une galerie de personnages atypiques (le second suspect bien frappé) avant de nous livrer un dernier acte désenchanté (la dernière victime) et d'une tristesse sans nom qu'un final ouvert et désabusé viendra renforcer, tout en laissant planer un doute qui suivra le spectateur bien après la vision du film.
L'interprétation est convaincante, crédible jusque dans les moindres seconds rôles, et la mise en scène du réalisateur est efficace, en changeant son mode de prises de vues selon les séquences et en donnant un rythme vif à l'ensemble.
Donc, ce "Memories of murder" se suivra d'une traite, emportant rapidement l'adhésion de son spectateur qui se retrouvera complètement impliqué dans les dédales de cette enquête sordide mais palpitante.
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