Plus qu'un ordinaire film historique à costumes , Bertrand Tavernier réussissait en 1975 une oeuvre magistrale , pleine de noirceur et de cynisme et non dénuée d'ironie et d'humour , sur une des périodes les plus mal connues de l'Histoire de France , à savoir la Régence (1715-1723) de Philippe d'Orléans après la mort de Louis XIV et dont ce dernier était l'oncle.
Dans ce film , B. Tavernier brosse aussi le tableau réaliste et sans fards ,voire cru , d'une monarchie décadente et d'une cour royale avide de plaisirs et d'orgies en tous genres , ceux de la table et de la chair , après les années d'austérité de la fin du règne du roi -Soleil , négligeant les affaires du pays et les délaissant au profit de quelques personnages dont des écclésiastiques dépravés et sans le moindre scrupule tel cet abbé Dubois qui occupait alors un poste comparable à celui de principal ministre du Roi ou plutôt du Régent.
Sans prétendre à une reconstitution tout à fait fidèle de l'Histoire de cette période , B. Tavernier parvient néanmoins à faire ressortir le contraste saisissant entre une monarchie insouciante menant une vie de luxe et de débauche et totalement coupée de la sombre réalité d'un royaume socialement et économiquement aux abois , où la révolte gronde au sein d'une petite noblesse de province pressurée fiscalement et une paysannerie affamée à la situation bien plus misérable encore ,qui constituait l'essentiel de la population.
Une des dernières scènes du film et l'une des plus marquantes également , est d'ailleurs très significative de ce fossé grandissant entre le peuple et son souverain , annonciateur quelques décennies plus tard de la Révolution Française et qui préfigurait déjà la chute de l'Ancien Régime.
Le contexte politique et économique ,la vie quotidienne de l'époque , sont parfaitement bien rendus par le réalisateur , qui parvient en outre à insuffler à ce film un ton ou une ambiance générale de désenchantement , à l'image du Régent lui-même qui malgré ses excès porte un regard désabusé et sans illusions sur sa propre vie et sur celle de l'avenir de son royaume.
Philippe Noiret , acteur fétiche du réalisateur et qui interprète ici avec beaucoup de talent et de naturel le Régent Philippe d'Orléans y trouve un de ses meilleurs rôles , mais se fait presque voler la vedette par les non moins excellents Jean Rochefort et Jean-Pierre Marielle respectivement dans le rôle du perfide abbé Dubois et du noble breton révolté. Citons enfin pour l'anecdote ,la présence dans des rôles très secondaires d'une poignée d' acteurs qui faisaient alors leurs débuts ou leurs armes dans le cinéma et qui allaient encore faire parler d'eux quelques années plus tard dans un registre bien différent , dont Thierry Lhermitte et Michel Blanc !
Au final un grand film de genre , propre à la réflexion , et un des dignes représentants de ce que le cinéma français pouvait offrir de meilleur durant les années 70.
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