Œuvre terrible et largement controversée, ce "Salo ou les 120 jours de Sodome", directement inspiré des écrits du Marquis de Sade, se lâche complètement dans l'abject et le sordide pour imposer sa vision de la domination et de la perversion dont peut être capable l'être humain lorsqu'il aura le pouvoir sur ses semblables.
Le script prend place dans l'Italie de 1944 pour suivre quatre dignitaires du régime fasciste de Salo recrutant des jeunes et beaux adolescents qu'ils vont emmener dans une propriété afin de leur faire subir les derniers outrages en compagnie d'anciennes prostituées devant les instruire dans la débauche.
D'entrée, le métrage va mettre en scène ses quatre personnages principaux achevant de rédiger un règlement, avant que nous ne retrouvions ceux-ci en train de sélectionner d'abord des jeunes hommes qu'ils vont arrêter manu militari puis des demoiselles, tous étant choisi sur des critères physiques précis aspirant à une certaine pureté alliée à une certaine idée de la beauté.
Puis tout ce petit monde va se rendre dans une propriété où les règles draconiennes, gentiment subversives et païennes (l'allusion faite à la religion) vont être dictées à l'assemblée des captifs, pour ensuite laisser l'intrigue se développer en trois actes bien distincts traitant chacun d'une forme de perversion.
Chaque segment sera alimenté par d'anciennes prostituées venant raconter leurs expériences passées, pour essayer de réveiller le désir et la convoitise chez les quatre maîtres de cérémonie qui vont surtout se servir de leurs gades pour assouvir leurs fantasmes sodomites dégénérés.
Ainsi, la première partie, qui restera la plus floue en servant quelque part de "galop d'essai" pour tester les "invités", de multiples sévices d'ordre sexuels seront infligés sur fond d'homosexualité parfois hésitante mais également aussi clairement affichée, tandis que les jeunes individus seront constamment rabaissés, en allant jusqu'à les faire se comporter comme de véritables chiens en laisse devant réclamer leur pitance.
La seconde partie optera pour un aspect profondément répugnant en axant son sujet sur les déjections humaines et les plaisirs scatologiques, en allant jusqu'à obliger les captifs à se nourrir de leurs excréments rassemblés et cuisinés, pour une séquence particulièrement dégoûtantes à ne pas montrer aux personnes ayant l'estomac sensible.
Et enfin, les quatre dignitaires laisseront exploser leur sadisme dans le dernier acte lié au sang, où après la découverte d'une série d'infractions au règlements, les fautifs seront châtiés physiquement pour une série de sévices extrêmement graphiques (pénis brûlé avec une flamme, coups de fouets…) certes rapidement aperçus mais dont la force évocatrice restera ravageuse tout en laissant l'imagination du spectateur travailler férocement.
Alors bien entendu, un tel spectacle pourra sensiblement en rebuter plus d'un, poussant même à se demander ce que le réalisateur a voulu faire avec une telle accumulation de déviances sexuelles dégradantes allant de l'urologie à la sodomie en passant par le viol et l'avilissement par l'humiliation de ces jeunes êtres humains, mais pour peu que l'on arrive à s'accommoder des images fortes et volontairement choquantes, l'univers du métrage tel que l'a conçu Pier Paolo Pasolini deviendra riche et passionnant dans la description de la quête du pouvoir ultime de ces quatre hommes libérés de tout tabou et de toute morale.
En effet, le spectateur est rapidement amené à se retrouver dans une position quelque peu inconfortable puisque jamais aucun des différents protagoniste ne sera montré sous un jour attachant, les tortionnaires restant neutre, ce qui pourra devenir gênant puisqu'ils ne seront jamais ouvertement critiqués par l'auteur, tandis que les victimes des sévices n'auront aucunement droit à un regard compatissant ou à la mansuétude du réalisateur qui exposera leur calvaire de manière distanciée et empreinte d'un naturalisme qui ne fera que renforcer les séquences fortes du métrage.
Ensuite, cette domination totale qui s'exercera impliquera toute une série de petits détails hautement troublants et démonstratifs dans un souci de montrer à quel point les fautifs seront corrompus et avilissants, traitant véritablement leurs victimes comme des sous-hommes uniquement destinés à assouvir leurs fantasmes déviants et à les pousser dans leurs derniers retranchements, ce qui collera parfaitement au contexte politique choisi de façon évidemment symbolique par l'auteur dans une critique acide du fascisme, et ce même si certains ont très mal interprété cet aspect du métrage. Mais c'est bien cette ambiance dégradante envers l'être humain qui restera la plus choquante et perturbante, entre cette nudité omniprésente et ces expériences sexuelles hors norme répétées avec un volontarisme absolu.
L'interprétation est convaincante, notamment pour les quatre maîtres de cérémonie qui demeureront froids et glaçant, tandis que les jeunes interprètes se livreront avec un réalisme cru aux activités désirées par le réalisateur. La mise en scène est sobre, n'utilisant pas d'effet pour s'effacer devant les images abjectes et donner ainsi un réalisme frappant à l'ensemble.
Les quelques effets spéciaux imposés par la dernière partie resteront probants en étant rapidement esquissés devant la caméra, mais on pourra également comprendre qu'ils aient pu choquer en leur temps.
Donc, ce "Salo ou les 120 journées de Sodome" restera une expérience définitivement à part, troublante jusqu'à devenir envoûtante par la volonté graphique et le besoin perpétuel de choquer de son réalisateur, mais sera bien entendu à réserver à des spectateur prévenus et endurcis !
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