Avec ce "Les proies", le cinéma de genre espagnol, décidément très inspiré en ce moment, nous offre une nouvelle perle du "survival", certes minimaliste en apparence sur le fond, mais magnifiant sa forme en exploitant parfaitement les possibilités offertes par des décors naturels splendides et rendus largement menaçants, tout en réussissant à créer une réelle empathie pour des personnages réalistes.
Le script va orchestrer la chasse à l'homme menée par de mystérieux snipers ayant pris pour cible en pleine forêt un jeune homme et une demoiselle rencontrée sur place.
D'entrée, le métrage va avancer son personnage principal, Quim, un homme circulant sur une route déserte jusqu'à une station-service où il va s'arrêter pour faire le plein et essayer de téléphoner sans succès à celle que l'on devinera être sa petite amie, pour en même temps surprendre une jeune femme en train de voler une barre de céréales. Jeune femme qu'il va ensuite retrouver dans les toilettes puisqu'elle va facilement s'offrir à lui en échange de son silence, mais en le laissant finalement délesté de son portefeuille qu'elle aura réussi à lui subtiliser. Reprenant sa route, Quim va au détour d'un virage apercevoir le véhicule de sa voleuse s'engager sur une route secondaire et après un fatidique instant d'hésitation, il va se décider à la suivre en s'engageant sur cette route montagnarde sinueuse.
La présentation du personnage principal sera rapide, limitée vraiment au strict nécessaire pour ne nous communiquer que des bribes de renseignements et au contraire rapidement lancer l'intrigue puisque peu après avoir fait ce choix de quitter son itinéraire, Quim va essuyer un tir de carabine et une fois arrêté pour découvrir le trou causé par la balle dans l'avant de sa voiture, il va voir débarquer un homme accompagné d'un chien qui sans sommation va lui tirer dessus, le blessant à une jambe et ne lui laissant que le temps de repartir à bord de son véhicule pour, après quelques petites péripéties âpres participant activement à faire monter une tension qui ne quittera plus le métrage par la suite, retrouver la demoiselle de la station–service, Béa, avec qui il va tenter de fuir ce cauchemar.
Bien entendu, le métrage va jouer un temps du manque de confiance qui va régner entre ses deux protagonistes, Quim ayant en face de lui une voleuse, et Béa ne croyant pas au début le récit de Quim malgré sa blessure, avant de plonger les deux personnages dans une série de situations largement précaires avec toujours cette menace diffuse de ces mystérieux individus bien décidés à "jouer" avec eux. Et le réalisateur parviendra toujours à renouveler ses situations avec une aisance évidente pour certes parfois céder aux codes du genre (avec par exemple l'intrusion de nouveaux protagonistes qui sans surprise ne serviront qu'à se faire trucider) mais en laissant toujours l'urgence dans laquelle va évoluer le duo de fuyards dominer les débats et maintenir en haleine le spectateur, même si certains choix effectués par les personnages pourront sembler par forcément vraisemblables, sans que cela ne vienne pour autant nuire en profondeur au métrage, celui-ci ne nous laissant pas le temps de s'appesantir sur les questions de fond, jusqu'au changement de perspective et de point de vue aussi abrupt qu'inattendu opéré aux deux tiers du film. En effet, le réalisateur va alors nous confronter aux tueurs pour alors nous inviter à prendre part à une réflexion particulière tout en abordant un dernier acte qui n'en deviendra qu'encore plus dramatique.
En choisissant pour personnage central cet homme tout à fait commun qui sera confronté à des choix terribles et agira de manière parfois couarde et même lâche, entraînant ainsi une séquence de mort extrêmement forte qui aurait certainement méritée d'être traitée avec une ampleur encore plus significative pour devenir inoubliable, le métrage va réussir à impliquer facilement et durablement le spectateur qui sera confronté aux errances de ce personnage complètement perdu et dépassé par les événements, rendant de la sorte chaque situation impactante et prenante, sans jamais donner l'impression de tourner en rond, alors que cela aurait pu aisément être le cas.
Pour affirmer son propos, le métrage pourra en outre largement compter sur les décors naturels forestiers de toute beauté et parfaitement mis en valeur tout en créant un sentiment de menace adapté qui collera par ailleurs au style de mise en scène adopté par le réalisateur qui fera évoluer son métrage sous une influence palpable de l'univers du jeu vidéo.
En effet, en plus de ces plans facilement identifiables en caméra subjective placée du point de vue des snipers laissant au premier plan apparaître le canon de leurs fusils, les différentes grandes étapes du métrage seront découpées par des environnements bien distincts (avec un remarquable village fantôme pour le final) faisant irrévocablement penser à des phases différentes de d'un jeu vidéo "live". Mais cela arrivera à se fondre sans problème dans la fluidité globale de la réalisation de l'auteur qui sera vive et dynamique pour ne jamais laisser le moindre répit ni à ses personnages, ni donc au spectateur, avec en plus une utilisation de plans originaux adéquates (le plan d'ouverture), tout en collant de très près à l'action pour nous faire encore plus se sentir proche des protagonistes qui bénéficieront d'une interprétation convaincante, portée par un duo d'acteurs naturels et communiquant aisément leurs émotions.
Donc, ce "Les proies" maintiendra en haleine son spectateur sur la durée, pour le plonger dans cette aventure sans retour dramatique et périlleuse dont personne ne sortira véritablement indemne, pour peu que l'on accepte le raisonnement de son auteur !
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