Avec ce "Transsiberian" le réalisateur Brad Anderson nous livrera un thriller parfaitement maîtrisé, prenant son temps pour installer une situation devant forcément dégénérer mais sans jamais devenir prévisible pour au contraire surprendre maintes fois le spectateur qui verra ses théories s'écrouler au détour de rebondissements et de révélations jouant sur des faux-semblants impeccables, alors que le métrage pourra également compter sur un dépaysement total, presque hostile et claustrophobe pour parachever le tableau et impliquer complètement dans cette intrigue tordue mais toujours foncièrement crédible.
Le script va laisser un couple d'américains, rentrant chez eux après une mission humanitaire en Chine, prendre place dans le fameux "Transsibérien" où ils vont faire la connaissance d'un autre couple partageant leur compartiment couchette, sans se douter que leur nouvel "ami" transporte de la drogue et va les mêler à son trafic.
Dans sa séquence d'introduction, le métrage va rapidement prendre place à Vladivostok pour y voir l'inspecteur de police Grinko débarquer sur une scène de crime, un dealer notoire ayant été retrouvé un couteau planté dans le crâne, tandis que son stock de drogue a disparu.
Sans transition, nous allons ensuite découvrir le couple de personnages principaux, Roy et Jessie s'apprêtant à prendre le "Transsibérien" pour rejoindre Moscou après une mission humanitaire dirigée par l'église de Roy auprès d'enfants chinois. Le métrage prendra son temps pour bien nous permettre de se familiariser avec ce couple traversant apparemment une petite crise liée au désir de Roy d'avoir un enfant, tout en appréhendant cette ambiance particulière et quelque peu hors du temps du "Transsibérien". C'est dans ce contexte qu'ils vont faire la connaissance de Carlos et Abby, un couple avec qui ils vont devoir partager leur compartiment, laissant alors l'intrigue continuer d'approfondir les présentations de chacun pour notamment mettre en avant le passé libertin de Jessie et l'attirance induite qu'elle ressentira pour ce Carlos qui lui rappellera son passé. Mais peu à peu des éléments vont venir troubler l'atmosphère détendue régnant dans le train, avançant déjà le fait que Carlos transporte de l'héroïne, pour laisser l'intrigue commencer sa spéculation sur les événements à venir, se jouant une première fois du spectateur lorsque Roy disparaîtra lors d'un arrêt dans une gare. La suite prendra une tournure de plus en plus dramatique à partir du moment un événement macabre surviendra, plongeant de fait Jessie dans une tourmente qui prendra des allures de cauchemar quand elle se rendra compte que Carlos a dissimulé à son insu ces poupées d'héroïne dans un de ses sacs, surtout que le nouvel arrivant partageant leur compartiment ne sera autre que l'inspecteur Grinko se rendant à une conférence à Moscou.
Ce sera donc inexorablement que le piège tendu par l'intrigue va se refermer sur les différents protagonistes perdus dans une situation qu'ils ne contrôlent plus du tout, tandis qu'en s'enfermant dans des mensonges ils ne vont faire qu'empirer les choses et que les apparences pourront se révéler largement trompeuses.
La réussite totale du métrage tiendra de son traitement qui permettra au spectateur une implication totale dès lé début du film, grâce à des protagonistes attachants et complexes, dont les zones d'ombres vont servir l'intrigue pour faire basculer ce voyage vers un drame imprévisible, calculé au millimètre près et blindé d'un suspense définitivement maîtrisé par le réalisateur qui saura jouer avec nos nerfs de manière exemplaire dans un "trip" claustrophobe et paranoïaque absolu, misant également sur l'inquiétude liée au système policier russe pas forcément très net et fiable dans des principes bafoués par la violence, jusqu'à cette dernière partie révélatrice qui se montrera cruelle au sens propre avec une séquence de torture inattendue et terriblement douloureuse sans pour autant verser dans le gore frontal. Et alors que l'ensemble était parvenu à rester cohérent et complètement crédible, le final pourra quand même sembler opportun (les militaires) et cet happy end pourra paraître bien "gentille" après les situations passées, mais cela respectera au final une certaine logique et ne viendra en aucun cas nuire à la réussite de l'ensemble.
Les personnages joueront un rôle vital dans une telle entreprise et seront ici parfaitement travaillés, fouillés pour devenir plus qu'intéressant et en même temps attachants et mystérieux, favorisant l'installation du suspense tendu qui englobera l'ensemble du film et bénéficieront d'une interprétation remarquable, adaptée et sans fausses notes, même si au départ Woody Harrelson pourra ressembler fortement à une erreur de casting, sa présence trouvant par la suite une justification volontaire. La mise en scène de Brad Anderson est largement efficace pour instaurer une ambiance particulière et vite inquiétante au s'appuyant sur une crédibilité totale au niveau des décors et dans la retranscription sociale et historique de cette partie du globe qui se montrera au départ sous un jour plutôt léger et souriant avant de basculer en même temps que les personnages dans une noirceur bien plus désagréable. Le réalisateur magnifiera en outre ses plans d'extérieur qui seront tout simplement splendides et qui aideront à nous faire ressentir l'isolement des protagonistes, le "Transsibérien" étant quant à lui filmé de manière à lui conférer presque une existence propre.
Donc, ce "Transsiberain" s'avérera être un thriller remarquable, à l'efficacité redoutable et servi par une intrigue bien réfléchie pour se jouer des apparences, des faux-semblants et du mensonge dans une logique implacable !
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