Il y a un sérieux antagonisme avec Clint Eastwood, comment expliquer l'enchaînement aussi rapide de films et la volonté affichée de laisser le temps aux images et surtout aux acteurs de s'exprimer.
Walt Kowalski dès les premiers grognements plante son personnage, un être irascible et raciste, n'ayant plus vraiment de contact avec sa famille, un vétéran de corée qui voit son quartier envahi par ceux qu'il a combattu jadis, une ville symbole de l'ancien capitalisme qui se meurt gangrenée par la chômage et la violence des bandes. Mais cet homme a des valeurs et tient bien à le faire savoir, que ce soit par son drapeau fièrement planté devant sa maison ou sa Gran Torino astiquée quotidiennement qu'il admire comme un coucher de soleil sans jamais la conduire.
Devenu un héros malgré lui, son rapprochement avec les voisins fait resurgir certains fantômes cinématographiques sous forme de clins d'oeil, on pense évidemment à l'inspecteur Harry, josey Wales, le maître de guerre ou l'épreuve de force, il va jusqu'à filmer son arme de prédilection, un magnum 44, lors de la confrontation finale.
Sa rédemption par le sacrifice démontre toute l'ambiguïté du personnage, cet homme, droit dans ses chaussures mais tellement tourmenté par son passé, préfère se confesser à Thao derrière le grillage de sa cave ne laissant que quelques banalités au prêtre.
Derrière une société qui s’effeuille par la perte de valeurs fondamentales, le réalisateur saupoudre malgré tout son oeuvre d’optimisme au travers de la vie de cette communauté Hmong. Le générique de fin nous ramène tristement à la réalité, cette histoire tellement simple est d’une beauté limpide dans la maîtrise de sa réalisation.
Clint eastwood est magistral sous ses airs de fossiles au regard glacial qui vous pénètre jusqu’à l’âme. Cet homme préférant l’action aux paroles, nous touche en plein coeur par sa maladresse lorsqu’il veut prévenir son fils de sa maladie, sans doute le moment où il laisse apparaître quelques remords. Bee Vang symbolise parfaitement la difficulté de cette communauté à trouver sa place dans la société américaine, son jeu sobre nous fait pleinement adhérer à son sort, impressionnant pour un amateur.
Clint Eastwood enterre ses vieux démons dans une mise en scène somptueuse, nous ne sommes pas loin d'un film testament, nous sommes très proche d'un chef d'oeuvre. En tout cas je crois avoir trouver l'explication à cette facilité déconcertante d'enchaînement maîtrisé, cela s'appelle le talent.
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