Avec ce "Inglorious bastards", connu chez nous sous le titre de "Une poignée de salopards", le réalisateur italien Enzo G. Castellari va nous livrer sous couvert du film de guerre un pur film d'exploitation savoureux, rythmé et versant régulièrement dans une surenchère propre au réalisateur jamais avare de situations détonantes et rocambolesques qui sera en plus largement épaulé par une version française largement souriante.
Le script va suivre la fuite vers la Suisse de quelques déserteurs américains mais, suite à une bévue, ils vont devoir se racheter en participant à une mission particulièrement dangereuse.
Dès son introduction le métrage va avancer une certaine démesure quelque peu grotesque mais hautement pittoresque pour présenter ses personnages principaux, des soldats américains appelés à passer en cours martiale pour différents larcins, allant du meurtre à la désertion, tandis qu'ils vont être pour l'instant rudoyés par un militaire appartenant à la police militaire franchement infâme dans sa façon de traiter "ses" prisonniers" à grand renfort d'injures et de moqueries diverses, tandis que le réalisateur va s'attarder à nous présenter plus précisément cinq de ses soldats de manière croustillante et volontairement comique, tel ce pickpocket transportant sur lui des objets bien inutiles en temps de guerre. Ce groupe de prisonniers, bientôt rejoints par le lieutenant Robert Yeager coupable pour sa part d'avoir refusé de larguer des bombes sur un dépôt de munitions afin de ne pas faire de victimes civiles pour préférer bombarder une base d'avions américaines, va donc quitter le camp retranché U.S. pour prendre une route vers une destination qu'ils n'atteindront jamais puisqu'ils vont être attaqué par un messerschimtt allemand qui va tourner leur tirer dessus à chacun de ses passages, tuant plusieurs prisonniers et obligeant les survivants à quitter le camion qui les transportait sous peine d'y rester, mais les soldats de la police militaire vont recevoir l'ordre d'abattre les fuyards jusqu'à l'intervention de Yeager et de quelques autres qui vont les mettre hors d'état de nuire.
Ce seront donc cinq survivants qui vont faire équipe pour tenter de rejoindre la suisse, seul pays neutre à proximité, ce qui donnera l'opportunité à Enzo G. Castellari de nous présenter plus en avant ces protagonistes centraux de l'intrigue, toujours sur un ton enjouée et humoristique, tout en attisant une ambiance orageuse puisque l'un d'eux ne va pas tarder à ouvertement exprimer son racisme envers le black de la bande, Fred.
L'intrigue alignera ensuite des péripéties hautes en couleurs et chargées en action, avec par exemple cette rencontre avec un soldat allemand esseulé avec qui ils vont sympathiser, puis ils vont croiser un convoi de SS, et même aller s'encanailler avec un groupe de jeunes femmes se baignant nues dans une rivière jusqu'à ce qu'ils découvrent qu'ils ont affaire à des militaires allemandes qui vont leur tirer dessus. Cette partie centrale du métrage sera vive et n'accordera aucun temps mort au spectateur, toujours enrichie par des dialogues aussi excellents qu'éloquents, pour faire se succéder ces rencontres tendues et porteuses de phases d'action multiples et pour lesquelles on ne comptera plus les fusillades ni les morts.
Le tournant de l'intrigue viendra lorsque suite à une mésentente dommageable nos fuyards vont abattre des soldats américains déguisés en allemands pour peu après se retrouver face à des maquisards français qui vont les prendre pour les membres d'un commando spécial qu'ils attendaient pour accomplir une mission secrète visant à détruire un prototype d'une nouvelle arme de guerre allemande susceptible de changer le cours de la guerre.
A partir de ce moment-là le métrage deviendra progressivement de plus en plus sérieux pour évacuer l'humour des dialogues et même si quelques situations resteront souriantes (telle cette bluette naissante entre une jeune infirmière et un des "salopards"), pour suivre la rédemption des cinq déserteurs qui vont accepter cette mission consistant à participer à l'infiltration d'un train allemand transportant une nouvelle version du missile "V2". Mais auparavant, ils vont avoir l'occasion de prouver leur capacité dans l'action au travers d'une évasion rocambolesque d'une citadelle servant de base arrière aux allemands pour laisser un dernier acte crucial et faisant la part belle aux sacrifices héroïques clore le métrage sur une note douce amère.
Enzo G. Castellari se montrera très régulièrement excessif dans ses situations pour forcer le ton et amener un volontarisme exemplaire aussi bien dans l'action pure que pour ces dialogues dont on ne se lassera jamais, d'autant plus que chacun des "salopards" aura une personnalité propre et haute en couleurs, avançant certes des clichés stéréotypés mais qui ici seront joliment détournés à des fins comiques et jusqu'auboutistes, tandis que les scènes de combats à base de fusillade seront presque exagérées avant de redevenir plus dramatiquement fortes, comme le prouvera ce final avec un usage efficient du ralenti pour renforcer l'horreur de ces morts aussi nombreuses qu'absurdes, ce qui tranchera avec une certaine décontraction et le second degré affiché lors de l'entame et de la première partie du métrage qui seront largement plus légères et portées par des situations croustillantes (la palme revenant sans doute à ces demoiselles se baignant nues et que nos lascars vont s'empresser de rejoindre pour batifoler quelque peu jusqu'à l'arrivée de Fred dont le teint noir fera se rendre compte aux jeunes femmes qu'elles sont en présence de soldats américains, ce qui les poussera à prendre les armes pour les mettre en fuite et occasionnera une série de dialogues férocement drôles).
Mais les personnages ne seront pas en reste et aligneront eux aussi des caractéristiques plaisantes et amusantes, entre ce Nick et ses nombreux ustensiles et autres outils qu'ils cachera dans ses affaires et Fred qui devra subir le blagues racistes faciles mais hilarantes de ses compagnons de fuite, l'ensemble bénéficiant d'une interprétation excellente, portée par le charisme naturel de Bo Svenson et la prestance de Fred Williamson. La mise en scène d'Enzo G. Castellari est ici largement efficace pour donner du rythme à une action déjà soutenue tout en apportant également un dynamisme d'ensemble qui ne faiblira que très sporadiquement lorsque les "salopards" rejoindront les maquisards et le réalisateur utilisera ses effets (et notamment le ralenti) à bon escient. Les effets spéciaux sont probants pour reconstituer les destructions commises au cours du film et qui trouveront leur apothéose lors d'un final dantesque avec ces maquettes réussies.
Donc, ce "Inglorious bastards" offrira ce que le cinéma d'exploitation italien peut présenter de plus abouti et de plus volontaire pour ce mélange détonant d'action et d'humour à savourer dans sa version française évidemment !
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