Premier long métrage de notre compatriote Abel Ferry, ce "Vertige" alliera aventure haletante au "survival" viscéral porté par une violence qui fera très mal avec un panache et une beauté visuelle qui parviendront largement à masquer certaines limites d'une intrigue minimaliste.
Le script va suivre un groupe de cinq amis partis faire de l'escalade en Croatie, sans se douter que leur périple va partir en vrille alors qu'en plus ils vont devenir les proies d'un agresseur particulièrement hargneux et décidé.
Le métrage ne s'éternisera pas pour nous présenter ses cinq personnages principaux, deux couples, Fred et Karine d'un côté et Chloé et Loïc de l'autre, ainsi qu'un cinquième participant à l'aventure, Guillaume, réunis pour des vacances dédiées à l'escalade. Pour ce faire, le groupe aura pris le chemin de la Croatie où Fred, féru de sensations fortes, a déniché une Via ferrata, un chemin d'escalade en haute montagne balisé et sécurisé. Nous ferons la connaissance de ces protagonistes au cours d'une première séquence sous forme d'un arrêt au cours duquel Fred va leur répéter leur itinéraire et en les suivant un bref moment dans leur véhicule où ils vont chanter, fumer, les laissant apparaître comme un groupe d'amis hérité du lycée, auquel s'est greffé Loïc, le nouveau petit ami de Chloé, cette dernière ayant certainement eu une relation antérieure avec Guillaume, plaçant ainsi de fait une certaine tension autour de ce triangle amoureux s'exposant progressivement avec un bras de fer entre les deux hommes orienté vers leur courage et leur capacité à vaincre le vertige et la peur du vide, Guillaume étant comme les autres un escaladeur aguerri tandis que Loïc semblera bien novice en la matière.
Mais cet aspect plus ou moins psychologique s'exprimera sporadiquement au sein d'une action largement prenante et virtuose qui suivra donc le groupe dans leur périple d'escalade auquel il ne renonceront pas alors que la via ferrata sera fermée et qu'ils devront franchir un premier obstacle montagnard avant de pouvoir reprendre normalement la voie tracée sur le flan de cette montagne jusqu'à un pont suspendu qui mettra à rude épreuve les nerfs du spectateur pour bien des raisons. En effet, Abel Ferry arrivera de manière étonnante à nous faire partager les sensations de ses personnages grâce à une mise en scène collant à l'action et jouant avec les profondeurs de champ de manière parfaite, tout en se jouant d'un suspense implacable parfaitement orchestré surfant sur un effet d'attente permanent de l'accident ou de la chute.
Et après une première fausse alerte grandiose et terrifiante, la situation déjà précaire des protagonistes va littéralement et brusquement s'obscurcir avec deux événements survenant en parallèle, pour une tension incroyable et décuplée qui va marquer le tournant du métrage, celui-ci s'orientant alors vers le "survival" pur.
Cette seconde partie sera certes plus classique sur le fond avec une traque en bonne et due forme, suivie de l'obligatoire découverte de l'antre de l'agresseur (qui nous réservera quand même quelques surprises), avec des personnages mis à mort dans un ordre bien évident et prévisible, même si les effets de surprise désiré fonctionneront globalement bien, mais ce qui frappera et marquera, ce sera la violence quasiment animale qui se dégagera avec d'un agresseur doté d'une brutalité inouïe qui explosera littéralement certaines séquences effroyables sans pour autant verser dans un gore expansif, marquant de fait une certaine retenue de la part du réalisateur.
Abel Ferry parviendra brillamment à s'affranchir des menus défauts inhérents au script, avec notamment ces protagonistes à la psychologie limité guère renforcée par ce triangle amoureux qui donnera lieu à des situations attendues liées à la mesquinerie de certains et ces rebondissements de la seconde partie du film qui ne sortiront guère des sentiers battus du genre, le réalisateur étouffant ces petits travers par une efficacité visuelle de tous les instants, certes bien plus marquée dans la première partie du métrage qui saura intelligemment se terminer avant que la redite ou l'essoufflement survienne, mais également bien présente dans la seconde, aussi bien pour rendre étouffante et dangereuse cette forêt aux pièges vicieux que pour laisser parler la violence incroyablement sauvage d'un prédateur qui manquera peut-être de charisme à l'écran mais qui bénéficiera d'un look et d'une gueule remarquable, et ce même si les brefs éléments exposés liés à son passé n'apporteront pas grand-chose, noyés dans ces excès de violence brutaux.
L'interprétation aidera largement l'ensemble à se garantir une crédibilité jamais démentie, grâce à des acteurs impliqués et qui effectueront eux-mêmes les cascades et autres scènes d'escalade pour ainsi laisser la caméra d'Abel Ferry venir les scruter de très près, la mise en scène du réalisateur étant elle aussi partie prenante dans la réussite du métrage en retranscrivant parfaitement ces sensations de vide et de vertige créant facilement un certain malaise chez le spectateur. Les effets spéciaux sont probants, aussi bien pour les effets sanglants réalistes et judicieusement disposés pour servir l'intrigue et la sauvagerie s'en dégageant, que pour nous offrir un agresseur très graphique.
Donc, ce "Vertige" pourra aisément espérer compter parmi les réussites françaises du genre en étant indéniablement prenant, tendu et porté par une violence franche et sévère, compensant ainsi largement ses petites imperfections !
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