|
Réalisé par Sergio Corbucci, ce "Far west story" ne pourra évidement pas espérer rivaliser avec les pièces maîtresses de son auteur que sont "Django" ou "Le grand silence", mais restera pour autant un mélange adroit de comédie à tendance misogyne et de western qui réservera pour une fois une place importante à un personnage féminin, certes ici malmené mais qui apportera une touche de féminisme détonnant dans le genre.
Le script va suivre la rencontre entre un hors-la-loi traqué par un shérif pugnace et une jeune femme qui va s'amouracher de lui et le suivre dans ses mésaventures, quitte à être au départ traitée comme un chien.
Sergio Corbucci va commencer par nous présenter son personnage principal, Jed Trigad, un bandit de grand chemin se livrant à un monologue exprimant sa soif de liberté et avançant un petit côté "Robin des bois" quelque peu anarchiste, tandis qu'il se rend à un rendez-vous afin de vendre des truies volées ici ou là, sans pour l'instant se douter que le shérif Franciscus, bien déterminer à l'arrêter, lui a tendu un piège. Piège qui sera voué à l'échec puisque Jed sentira la présence de son ennemi de toujours, ce qui lui permettra de tenter une fuite vite stopper par sa collision avec une charrette conduite par Sonny, une jeune femme à l'allure de garçon manqué, et transportant le cercueil contenant le corps de son oncle. Mais au lieu de livrer Jed au shérif, Sonny va les éloigner grâce à un leurre excellent et planquer Jed (qu'elle aura assommé) dans le cercueil pour ensuite quitter tranquillement la ville.
Cette entame du métrage placera rapidement un des enjeux du métrage avec l'opposition entre Jed et ce shérif qui semblera lui en vouloir à mort sans que l'on sache pour l'instant pourquoi, tout en ne tardant pas pour mettre face à face ce duo antinomique puisque Sonny va rapidement annoncer à Jed son intention de s'associer avec lui, ce dernier pensant encore être face à un jeune homme qu'il va mettre à l'épreuve pour enfin se rendre compte de la féminité de Sonny, ce qui déclenchera en lui des envies de sexe bien vite éradiquées lorsqu'il se rendra compte que Sonny est encore vierge. Jed va alors se servir de Sonny pour attaquer une diligence et abandonner la jeune femme avec ses victimes pour s'en aller rejoindre une maison close où il a ses habitudes avant de chercher à délivrer Sonny des mains de Franciscus pour réussir à s'enfuir avec elle.
Au cours de cette première partie du métrage, ce sera évidemment le personnage de Jed qui retiendra l'attention avec son langage "vert" parcouru de noms d'oiseaux et de méchancetés gratuites, ses manières primitives (le repas de spaghettis par exemple) et son attitude foncièrement misogyne envers Sonny, pour ainsi créer de nombreuses situations souriantes, tandis que le spectateur va peu à peu être amené naturellement à s'attacher à cette Sonny qui supportera presque sans broncher les moqueries et autres railleries sarcastiques de son compagnon dont elle acceptera tout et n'importe quoi, quitte à être traitée comme un véritable chien lorsque Jed se rendra dans un hameau mexicain pour retrouver des amis opprimés par un riche propriétaire terrien mais refusant le violence pour se défendre.
Mais peu à peu Sonny va gagner en partie la confiance de Jed, d'abord en tuant un adversaire qui aurait bien pu mettre fin aux jours de Jed, ce qui constituera le premier tournant du métrage, puis en se mettant à boire comme lui, quitte à déclencher des catastrophes qui ne seront pas sans conséquences pour le shérif Franciscus, puisqu'il deviendra aveugle en pensant jouer un bien mauvais tour au "couple" (le maïs), avant de finalement déclarer sa flamme ouvertement, alors que certains sentiments amicaux de Jed envers Sonny commenceront justement à se faire sentir. Le duo deviendra alors officiellement un couple pour se mettre lors de la seconde partie du film à écumer les villes en commettant hold-up et vols jusqu'au dernier acte qui bouclera la boucle tout en retournant ironiquement la situation en faveur de Sonny lors d'un final savoureux.
Bien entendu le métrage comportera un certain nombre de situations digne de tout western, avec même une petite connotation politique avec ces villageois opprimés par la bourgeoisie hypocrite et violente, mais ce sera surtout vers les relations évolutive entre ses deux personnages principaux (qui seront facilement comparables à Bonnie & Clyde)teintées de parcours initiatique pour Sonny que Sergio Corbucci va diriger son intrigue, pour ainsi mettre en avant une certaine insouciance et une envie de liberté de la jeunesse qui s'opposera à la rigidité de la vieille garde incarnée par Franciscus (le film datant du début des années soixante-dix en pleine libération des mœurs), tout en laissant une large place à la démesure de ce Jed haut en couleurs et dont les paroles compteront un florilège de grossièretés et d'injures mesquines pour un personnage qui ne perdra jamais le Nord afin de tirer profit des situations et des événements.
Mais le réalisateur va aussi se livrer un toute une série de passages ouvertement comiques (mais sans jamais tomber dans la parodie !) et franchement amusants malgré une certaine redite pour laisser aussi bien l'opposition entre les deux protagonistes centraux que leurs exactions et même certains détails anodins venir ponctuer très régulièrement le métrage de manière cocasse et souriante, même si cela viendra parfois nuire au rythme global du film (la longue séquence dans ce magasin pillé par le couple, par exemple). Et enfin, cette tendresse logiquement éprouvée par le spectateur pour Sonny trouvera sporadiquement des répercussions dans le comportement de Jed pour quelques courts passages calmes et attendrissants qui révéleront des soupçons d'humanité derrière la façade plus que brusque et rude de Jed.
Les personnages seront évidemment au cœur du métrage et Sergio Corbucci parviendra sans mal à jouer avec nos émotions d'autant plus que l'interprétation sera franchement remarquable, avec un Tomas Milian excellent pour jouer Jed de manière charismatique et transformant cet anti-héros en un personnage croustillant au possible, tandis que Susan George apportera une touche de féminisme bien présente dans l'affirmation de son personnage, laissant Telly Savalas préférer une certaine retenue pour incarner le terrible puis presque poignant Franciscus. La mise en scène du réalisateur est efficace pour magnifier les décors naturels hivernaux et rendre les phases d'action impactantes, mais sans que l'on retrouve le sadisme dans l'expression de la violence, mis à part quelques coups de fouets reçus pas la malheureuse Sonny des mains d'un des sbires de Franciscus.
Donc, ce "Far west story" s'avérera être une petite perle atypique du western italien qui méritera que l'on s'y attarde pour les thèmes abordés et pour ses personnages franchement savoureux !
|
