Ce "Cujo", réalisé par Lewis Teague, un honnête artisan du genre, compte parmi les adaptations de Stephen King les plus réussies et les plus respectueuses du texte d'origine.
Le script suit le calvaire d'une mère et de son jeune fils, bloqués dans une voiture avec à l'extérieur un énorme Saint-Bernard enragé et plus que dangereux.
Après une séquence d'introduction nous montrant ce chien bien vivace malgré son aspect quelque peu pataud courser un lièvre jusqu'à une cavité sous-terraine où il ne pourra pas rentrer et se contentera de passer la tête en aboyant, réveillant des chauves-souris dont une viendra le mordre au museau, donnant ainsi d'entrée une explication aux excès de violence futurs du chien, le métrage prend le temps de nous présenter ses personnages principaux, une famille américaine "normale" dont le jeune fils a peur des monstres cachés dans son placard et surtout dans son imagination, permettant ainsi au réalisateur de se moquer gentiment de ses protagonistes adultes répétant à leur fils que les monstres n'existent pas.
La partie d'exposition du film s'étirera de manière à bien même en place les mécanismes qui vont créer l'isolement à venir des deux victimes, tout en incluant quand même quelques moments tendus mettant déjà en avant le Saint-Bernard ( la première visite chez le garagiste ), mais surtout, l'intrigue s'attardera sur les relations du couple principal, respectant de la sorte les écrits de Stephen King, même si plusieurs aspects seront laissés de côté, certainement dans un souci de rythme ( la fuite de la femme du garagiste ), tout en prenant soin de bien opposer les deux mondes bien différents et antagonistes dans lesquels gravitent d'un côté notre famille bourgeoise et de l'autre ce garagiste crasseux vivant dans une misère rustre.
Ensuite, l'intrigue lancera véritablement son action par une première attaque terriblement bestiale du chien, puis une seconde, orchestrée contre le garagiste, son maître, avant que la mère et son fils ne vienne avec leur véhicule sur le point de tomber en panne se jeter dans la gueule du loup.
Cette seconde moitié du métrage sera bien entendu la plus probante et la plus prenante, en générant une tension constante due à la menace représentée par un saint-Bernard ne ressemblant plus du tout au brave chien du début du film, et surtout, ce huit-clos forcé dans l'automobile sera suffocant grâce à l'excellent travail du réalisateur et de son responsable de la photographie ( Jan De Bont, le même que l'on retrouvera plus tard derrière la caméra pour le pitoyable "Hantise" ).
Mais ce qui caractérisera aussi cette partie du film sera la violence démonstrative du Saint-Bernard, qui en impose terriblement dans ses différents assauts contre la voiture et ses occupants, tout en faisant preuve d'une imprévisibilité totale et purement animale effroyable, alors que les scènes d'affrontement au corps à corps seront également extrêmement brutales et douloureuses.
Face au risque de sombrer dans le ridicule à cause de la présence d'un chien d'une vraisemblance à démontrer, le métrage s'en sort remarquablement bien en avançant un animal toujours crédible, et plus encore, nous assistons à la lente dégradation physique de ce chien qui à chaque apparition semblera de plus en plus atteint et prenant peu à peu véritablement l'apparence d'un monstre dégoulinant et abject, ce qui bien sûr renforcera le sentiment de précarité dans la situation des deux personnages à sa merci ( sentiment aussi accentué par les éprouvantes crises du gamin ).
Hélas, la seule véritable entorse faite au roman de Stephen King se situera dans un final imposant une happy-end quelque peu surfaite, dépareillant ouvertement avec l'issue bien plus nihiliste d'origine.
L'interprétation est plus que convaincante, en avançant notamment aussi de manière réaliste la dégradation physique des personnages, alors que la mise en scène de Lewis Teague participe très activement à créer l'ambiance du film, tout en sachant générer une action tendue et en utilisant parfaitement ses effets ( le remarquable plan tournant à 360° dans l'intérieur du véhicule, par exemple ).
Les effets spéciaux, essentiellement concentrés dans l'animation du Saint-Bernard, sont très réussis et réalistes et participe remarquablement à la crédibilité de l'ensemble.
Donc, ce "Cujo" représentera une des meilleures adaptations des écrits de Stephen King, étouffante, violente et bien stressante dans sa deuxième partie !
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