Film semi-professionnel, ce "Five across the eyes" aura au moins le mérite de proposer des spécificités techniques impactantes (action se déroulant en temps réel, prises de vues uniquement cadrées de l'intérieur d'un véhicule) pour servir une intrigue basique et vaine, heureusement parsemée d'une folie aberrante qui trouvera son point d'orgue dans la dernière partie du métrage.
Le script confronte cinq demoiselles perdues sur une route déserte à une psychopathe meurtrière bien décidée à leur faire subir les pires outrages.
D'entrée, le métrage va prendre place à bord de cette voiture occupée par cinq adolescentes rentrant chez elles mais ayant emprunté un raccourci interminable, ce qui va provoquer une tension entre elles, jusqu'à ce qu'elles s'arrêtent dans un bar pour demander leur chemin et au moment de repartir, elle vont faire une blague à l'une d'elles qui va se terminer par un petit accident puisque leur véhicule va heurter une voiture en stationnement, cassant un phare de celle-ci. Ne trouvant rien de mieux à faire, elles vont repartir comme si de rien n'était mais bientôt, elles vont s'apercevoir qu'elles sont suivies par une voiture ayant un phare endommagé.
Non franchement, cette mise en situation donnera carrément envie de tout arrêter et de passer à autre chose, tellement les dialogues insipides et énervants et les situations guère crédibles flirteront avec le ridicule le plus complet (avec en plus une version française horripilante !).
Mais dès que l'intrigue lâchera la folle poursuivant les jeunes femmes, le métrage prendra une autre tournure, en alliant un côté volontairement provocateur et cherchant à choquer le spectateur lambda via une scatologie avérée mais quelque part assez grotesque et inutile, tout en présentant quelques sévices "ultimes" (la pénétration avec le canon de fusil, ou cette autre avec un tournevis…), histoire de se donner un air jusqu'auboutiste qui pourra sembler aussi quelque peu surfait puisque le métrage n'ira pas franchement au fond des choses en pratiquant le plus souvent le hors champ et l'ellipse.
L'intrigue donnera également quand même l'impression de tourner en rond avec ces multiples assauts de cette femme sortie d'on ne sait où et qui va s'en prendre aux héroïnes pour des raisons qui resteront obscures jusqu'aux semblants d'explications du dernier acte, laissant rapidement une impression de redite venir perturber le spectateur déjà bien obligé de supporter les cris et les inepties débitées par des demoiselles irritantes de bêtise qui seront définitivement insupportables au début du métrage.
Mais peu à peu, dans une alchimie pourtant improbable au départ, le spectateur va réussir à rentrer dans l'intrigue (le déroulement de l'action en temps réel y étant peut-être aussi pour quelque chose) et même à prendre ces jeunes femmes en pitié pour presque s'impliquer dans leur lutte pour la survie qui trouvera son apothéose lors d'un final agressif et transgressif qui achèvera le film sur une note éminemment positive car troublante à la vue de l'explosion de violence généré par des demoiselles pourtant bien sages et "normales" au début du film.
Mais hélas auparavant, il aura fallut, en plus des scories déjà cités, résister aux incohérences énormes aussi nombreuses que flagrantes du script, encore aggravées par des situations carrément impossibles (le jet d'excréments sur la voiture, par exemple, certes bien frappé dans son idée, mais irréalisable...) qui viendront plomber la crédibilité de l'ensemble.
Et pourtant, les deux réalisateurs auront tout fait pour que leur film fasse "vrai", avec l'utilisation d'une caméra embarquée dans la voiture des héroïnes et qui n'en sortira pas pour suivre l'action de ce seul point de vue, mais en ayant recours à de (trop ?) nombreux mouvements de caméra et à des angles de prises de vue différents, donnant un aspect authentique et pris sur le vif indéniable au métrage.
Pour compenser le manque de moyens interdisant l'excès d'effets spéciaux sanglants et désireux quand même de donner un aspect graphique fort au film, les auteurs vont donc avoir recours à ces idées scabreuses et avancer un érotisme trouble et presque pervers en ne dénudant pas les actrices devant la caméra mais en allant au plus près de leur anatomie qui sera bientôt recouverte de sang, jouant là encore d'une suggestion payante.
L'interprétation est convenable, avec de jeunes actrices au charme et à la crédibilité variable, tandis que la "folle" jouée par Veronica Garcia donnera un impact certain à l'ensemble. La mise en scène des deux jeunes réalisateurs est donc virevoltante pour suivre l'action comme un sixième passager du véhicule, pour un résultat bien entendu original et allant dans le sens d'un certain "Projet Blair Witch". Les quelques effets spéciaux sanglants seront très rudimentaires sans pour autant être ratés.
Donc, ce "Five across the eyes" risquera fort d'irriter une partie de ses spectateurs, mais ceux appréciant le cinéma indépendant à tendance déviante et suffisamment patient pour supporter l'entame désastreuse du film pourront au final se laisser prendre au jeu et trouver quelques motifs de contentement !
|