Troisième réalisation de son auteur espagnol Elio Quiroga, ce "Les témoins du Mal" va une nouvelle fois démontrer la capacité du cinéma ibérique à nous surprendre en arrivant à transcender une intrigue en apparence classique pour aller explorer le passé sombre du pays au service d'un métrage qui certes reproduira certains clichés du genre mais deviendra largement prenant, étonnant et porteur de révélations caustiques.
Le script va laisser une famille emménager dans une demeure au passé trouble qui se répercutera sur le présent de manière effrayante en lien avec des actions douteuses de l'Eglise.
Le métrage va commencer par avancer quelques flash-backs introduisant un organisme espagnol appelé le "No-Do" (pour "Noticiero Documental) servant surtout de propagande au régime franquiste alors en place, ainsi que quelques plans étranges de prêtres dans une demeure en compagnie d'enfants morts ou endormis, sans bien sûr nous révéler la teneur exacte des faits. Le métrage choisira également d'avancer la mort du nouveau-né de son personnage central, Francesca, avant même de nous la présenter, dix ans plus tard, d'abord sur son lieu de travail, un hôpital où elle va baptiser un nourrisson venant de mourir, puis en compagnie de son mari, Pedro, de la fille Rosa et de leur "nouveau" bébé lors d'une visite d'une maison nouvellement louée par l'Eglise. L'entame du métrage avancera également un personnage –clé avec cette femme, Blanca, se réveillant après un sommeil de plus de cinquante ans ayant un rapport avec le flash-back mettant en scène les religieux et mis à la rue par un jésuite, Miguel, venant fermer le sanatorium où elle séjournait endormie jusque-là.
La première partie restera finalement assez classique en suivant l'emménagement de Francesca et de sa famille, suivi de loin par Blanca, pour bien mettre en avant le traumatisme post-natal de Francesca qui va surprotéger son bébé, quitte à délaisser son mari la nuit pour aller s'assoupir sur un fauteuil dans la chambre du petit, et rapidement laisser des "petits" événements surnaturels venir troubler le quotidien de Francesca, avec d'abord Rosa qui fera des cauchemars au cours desquelles elle sera confrontée à des petites filles sales, puis ce seront des bruits venant du grenier condamné qui empêcheront Francesca de dormir (et il y aura de quoi vu le vacarme…) sans que cela ne réveille Pedro, ou encore des coups sourds portés sur leur porte d'entrée sans que personne ne se trouve derrière. Ajoutons à cela une séquence onirique gratuite mais graphique (la chute du bébé), et tout semblera en ordre pour une nième histoire de maison hantée classique avec ces petites filles fantomatiques se promenant en plus régulièrement non loin des protagonistes.
Mais heureusement, le réalisateur, certainement bien documenté sur les pratiques du "No-Do" et ses films spécialement crées pour le Vatican, va développer une seconde partie bien plus perspicace, prenant et en même temps intrigante lorsque Francesca va aller demander de l'aide à Miguel, lui-même psychiatre pour l'Eglise et mêlé de près à tout ce qui touche aux miracles, tout en étant bien au fait de ce qui s'est passé dans la maison louée par Francesca, avec en plus une aide précieuse venant de Blanca. Cette seconde partie va nous faire revivre par de courts flash-backs récurrents et malsains ces événements surnaturels tout en introduisant d'autres événements marquants (la prostituée) et toujours liés à la religion pour ainsi pimenter l'intrigue principale pour au final fustiger aussi bien le franquisme que l'Eglise espagnole, chose rare dans la production du pays, mais surtout pour amener des révélations (certes assez basiques et presque anticipables) et des péripéties largement prenantes avec cette tension palpable remarquablement agencée malgré certaines facilités (la façon trop rapide et facile qu'aura Pedro de se rallier à la cause de sa femme et de Miguel, par exemple).
En plus le réalisateur aura une manière particulièrement efficace d'agencer ces flash-backs et de mettre en avant les films d'époque proposés pour faire avancer l'intrigue et nous donner des éléments de réponse, le tout empreint d'une crédibilité qui ne fera que renforcer l'implication dans l'intrigue.
Le final, bien que quelque peu minimaliste, tiendra ses promesses et achèvera d'éreinter l'Eglise espagnole et les méthodes de propagandes franquistes avec une dernière séquence confondante.
L'interprétation est convaincante, sans surjouage, tandis que la mise en scène d'Elio Quiroga est remarquable, avec notamment ces passages du passé au présent remarquablement orchestrés. Les effets spéciaux sont par contre mitigés avec des inserts numériques parfois trop visibles.
Donc, ce "Les témoins du Mal" arrivera à surpasser son postulat quelque peu trop classique grâce à une intrigue fouillée et recelant bien des péripéties et des surprises amenées dans une ambiance tendue !
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