Après Le Bleu des villes, Stéphane Brizé dépeint à nouveau une France du quotidien. Et c'est précisément cette quotidiennité, sous laquelle il déniche des micro-tragédies, que sait si bien capter le cinéaste. Voici la trajectoire tracée d'avance d'un huissier de province plus gris que ses costumes. Pourtant, c'est de cette monotonie un peu triste, de cette mélancolie d'une vie sans surprise, que jaillit l'émotion. Brizé témoigne d'une rare délicatesse pour saisir au vol deux regards qui se croisent ou deux mains qui se rapprochent. Jamais d'insistance dans ce dispositif, mais une infinie pudeur à dévoiler des sentiments enfouis. Ce que met en scène Brizé, c'est une prise de conscience. Son heros s'aperçoit qu'il n'est pas captif d'une reproduction familiale étouffante. En poussant la porte d'un cours de tango, il brise ses chaînes et se laisse gagner d'abord par l'émotion musicale, puis par l'émotion amoureuse. Brizé manifeste un respect pour des personnages qui ne se respectaient plus eux-mêmes.
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