Le film se déroule dans l'univers dépouillé d'une famille sans parents. Cinq orphelins affrontent la vie en adultes précoces. Les aînés sont investis de pouvoirs nouveaux, surtout le garçon, un adolescent farouche et angélique prêt à braver l'oncle pour s'affirmer comme le nouveau chef de famille. L'autre garçon souffre d'une maladie congénitale : un corps difforme sur une tête presque normale. Ghobadi, dans la description de cet adolescent que l'on transporte à dos d'homme ou de mulet dans un sac de toile, échappe miraculeusement à tout misérabilisme. Le frère aîné est prêt à tout tenter pour que puisse se faire l'opération qui sauverait l'enfant. Un temps pour l'ivresse des chevaux retrouve la grandeur du néo-réalisme, récit dédramatisé, décors naturels, acteurs non professionnels, visée documentaire. Le film se passe en hiver, aux confins de l'Iran et de l'Irak, dans des montagnes propices à la contrebande. Des hommes survivent grâce au trafic des pneumatiques qu'ils transportent à dos de mulet, bravant le froid et les balles des gardes-frontière, prêts à fuir à la moindre alerte et à détacher les pneus qui roulent dans la neige en une séquence étrangement ludique au sein d'un moment dramatique. Ghodabi parvient constamment à surprendre, pour exemple cette représentation authentique des mulets auxquels on donne à boire de l'alcool pour mieux résister au froid et qui s'effondrent, ivres, car on a inconsidérément augmenté la dose. Son film, magnifique, est aussi un témoignage sur des enfants privés de leur insouciance, contraints d'accomplir des tâches au-dessus de leurs forces, des garçons trop tôt exploités, des filles trop tôt mariées, des êtres isolés mais qui n'ont besoin de personne pour affirmer leur dignité.
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