Cria cuervos est l'histoire d'une obsession. Sous l'influence d'un présent décevant et sournoisement répressif, Ana se réfugie dans le souvenir d'une mère adorée, brimée et blessée comme elle, à laquelle elle finit par s'identifier complètement. C'est d'ailleurs Geraldine Chaplin qui joue la mère et la fille grandie. Cette fable obsessive est reliée intimement aux trois piliers de la société espagnole franquiste : Armée, Eglise, Famille. Au sein de cette famille réduite à ses membres féminins, le souvenir du père militaire devient fantasme d'une virilité oppressive et tyrannique qu'Ana rejette secrètement. La communauté féminine, d'abord sous la coupe effective de cet homme puis sous la coupe de son souvenir, en vient à représenter toute une Espagne soumise et asservie. Si Ana s'identifie à sa mère, c'est que cette dernière devient la victime la plus évidente de la tyrannie paternelle. Beaucoup plus qu'une fine observation réaliste du quotidien de l'enfance, Cria cuervos est la transposition dans le domaine des fantasmes d'un constat profondément pessimiste de la société espagnole franquiste.
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