Après Ressources humaines, Laurent Cantet dans son second long métrage s'inspire de l'affaire Romand, fait divers porté également à l'écran par Nicole Garcia avec L'adversaire. Il est ici question du vertigineux labeur d'un homme occupé à plein temps à échapper au devoir de travailler. Le héros de L'emploi du temps est un être opaque qui flotte dans un univers tour à tour déshumanisé et onirique, peuplé de trous noirs. Comment déroger aux règles sociales sans se dissoudre dans le néant? Comment continuer à tenir son rôle de mari, père et fils quand on s'invente sa fiction? Vincent, cadre supérieur licencié, est incapable d'assumer son nouveau statut social et s'invente alors une vie "d'homme au travail". L'affabulation de Vincent induit chez lui un comportement schizophrène que la mise en scène de Cantet exprime admirablement. C'est aussi d'aliénation dont il est question. Bien qu'au chômage, Vincent ne peut échapper au rouleau compresseur normatif d'une société exigeant qu'un homme accompli ait un travail. Un mot des comédiens: Aurélien Recoing promène un sourire énigmatique qui révèle toute l'opacité du personnage et campe remarquablement un individu tour à tour insignifiant et fascinant. Serge Livrozet, ancien cambrioleur condamné à des peines de prison et auteur de plusieurs ouvrages fait preuve, pour sa première apparition à l'écran, d'un sens dramatique hors du commun.
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