4 mois 3semaines 2 jours, derrière ce titre se cache bien plus qu'une erreur de jeunesse. Christian Mungiu au travers de ces deux jeunes étudiantes traduit toutes la déchéance d'un système rivé à une idéologie se souciant peu d'humanité.
L'action se situe peu de temps avant la chute de ceaucescu, l'avortement est un crime, malgré cela 2 filles Ottila et Gabita sont prêtes à prendre tous les risques pour mettre fin à cette grossesse. La mise en scène froide comme un iceberg est à l'image de cette jeunesse désespérée, les conditions d'études sont plus que sommaires avec une non reconnaissance au bout surtout pour les filles, alors quel avenir peut-on donner à un bébé dans cette société ? L'histoire d'une terrible banalité à la limite du documentaire se transforme au fil des minutes en un diamant brut par sa "pureté scénaristique". Bâti quasiment sur des plans séquences, ces petits bouts de vie dénoncent un système implacable où l'humanité est remplacé par la cupidité. Ottila nous sert de témoin dans cette société qui s'effondre et de ces hommes qui se raccrochent à des valeurs surannées, à sa manière elle va faire sa propre révolution et asséner au soi-disant sexe fort une sacrée claque.
Le scénario nous prend très vite à la gorge pour serrer, serrer très fort, le danger est partout, dans une chambre d'hôtel, le concierge, le docteur, le passant, aucune attitude n'est anodine, aucun geste n'est gratuit. Nous sommes les spectateurs de la honte, les bourreaux ne sont pas forcément des monstres sanguinaires, ils peuvent avoir l'aspect d'un simple père de famille. Ici tout est intériorisé, la violence, la haine, la peur, seul le dégoût transpire et inonde chaque seconde de ce métrage formidable. Certaines scènes sont à la limite du soutenable, plus par leur violence émotionnelle que physique, le réalisateur se passe très bien du visuel de ces « viols consentis » pour mieux nous laisser en tête à tête avec ce fœtus et notre conscience.
Anamaria Marinca est époustouflante, de par son jeu sobre et sa sensibilité, les plans séquences attestent tout son naturel pétri de talent et Vlad Ivanov, docteur bébé et bourreau à ses heures perdues symbolise froidement toutes les perversités qu’un tel système engendre.
Ce film roumain vous retourne dans tous les sens pour ce combat silencieux de la liberté individuelle au prix d'une vie. Christian Mungiu prend partie mais il n'empêche pas la réflexion, c'est loin d’être un divertissement mais une chose est sûre, c'est un grand film !
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