Vilgot Sjöman choisit le plus incontesté des tabous : l'amour incestueux. Il situe son sujet dans un 18ème siècle encore perclus d'obscurantisme religieux, avec quelques esprits libertins qui citent volontiers des mots français. Il va de soi qu'un tel contexte autorise plus qu'un autre les nombreux dialogues philosophiques sur Dieu et le néant, sur le châtiment et le péché. Les différents personnages ont la valeur d'éléments d'argumentation. Le mari, par exemple, que les conventions sociales imposeront à Charlotte, et dont l'amour possessif rend sa présence quasi insupportable. Quand on pense à la merveilleuse déclaration d'amour que Charlotte fait à son frère : "Tu es le seul avec qui je me sens véritablement moi-même", on mesure la distance qui la sépare de son mari. Les autres personnages ne sont pas moins utiles au propos. Un vieux libertin promène ses scrupules métaphysiques. Bref, de l'amour incestueux liant Charlotte à son frère naîtra un bébé normalement constitué. Tout ce cortège de menaces, d'angoisses et de culpabilité n'était que vaine superstition. La fin, que je ne dévoilerai pas, constitue cependant une concession à la morale. Voilà un film bien joué, beau plastiquement mais un brin académique.
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