Warren Beatty, l'un des plus grands séducteurs de Hollywood, devait fatalement rencontrer ce gangster raffiné et amateur de "beau sexe" que fut Benjamin Siegel, plus connu sous le pseudonyme de "Bugsy" (punaise). Le film de Levinson ne dépeint pas Siegel comme un simple mafioso cupide et avide de pouvoir, mais plutôt comme un homme éprouvant un plaisir maladif de plaire et de rêver. Dès lors, il ne pourra qu'être fasciné par cette usine à rêves qu'est Hollywood. Après quelques bouts d'essais infructueux pour devenir acteur, il va inventer un nouveau territoire du rêve : Las Vegas. Ce sera une ville jeu, comme Hollywood est une ville cinéma. Siegel, comme Tucker de Coppola est un idéaliste qui sera broyé malgrè qu'il eut raison. Rêveur, idéaliste, Bugsy a des côtés puérils, comme lorsqu'il se récite cette petite contine, avant ou après avoir tué, comme pour se rassurer : "20 nains bleus à la queue leu leu font le poirier sur le tapis". Le narcissisme du héros, toujours en représentation, naît d'une interaction entre les films de gangsters, qu'il se fait projeter chez lui et auxquels il s'identifie, et sa volonté secrète de voir sa propre légende s'incarner à l'écran soit directement comme acteur, soit indirectement en faisant la une des journaux et des affiches. Si l'on ne peut comparer la réussite de Bugsy à celle du Parrain, c'est que , malgrè toutes ses qualités, le film n'est qu'une élégante déambulation dans les films de gangsters.
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