Anticonformiste et audacieux, ce "Propriété interdite" va gentiment se jouer de son spectateur qui croyait assister à un traditionnel film de maison hantée, pour mieux le surprendre lors d'un deuxième acte plus politique et un final dévastateur.
Le script va laisser un couple au bord de la rupture s'installer dans une demeure familiale délabrée pour bientôt les confronter à des événements inexpliqués.
Le métrage ne perdra pas de temps pour lancer son intrigue en nous présentant directement ce couple, Claire et Benoît arrivant devant la maison familiale de Claire dont elle vient d'hériter. La traditionnelle visite des lieux, envahis de sacs poubelles remplis d'ordures, nous permettra d'en apprendre plus sur le couple et notamment sur Claire dont le frère, précédent occupant de l'endroit, se serait suicidé sur place peu de temps auparavant. Mais la réalisatrice Héléne Angel aura l’intelligence de laisser planer un doute sur la véracité de ce suicide, rapidement identifié par Benoît mais que niera Claire, surtout que des bruits se font entendre la nuit autour de la maison, qu'un tunnel permettant d'accéder à la cave sera caché dans le jardin et que Claire continuera d'envoyer des SMS à son frère.
Ajoutons à cela une ambiance clairement fantastique avec portes qui claquent, lumières vacillantes et cauchemars récurrents pour les personnages et tous les ingrédients de la bonne "ghost story" étaient réunis. Mais voilà, la réalisatrice va chambouler complètement la donne avec un événement charnière qui va donner une autre dimension plus sociale et politique à l'ensemble, événement qui surviendra lors d'une séquence qui aura le don de scotcher le spectateur perdu en incertitude, laissant par la suite quelques développements venir entériner la lente descente dans la folie de Claire, esseulée, refusant le deuil de son frère et accompagnée par un mari banquier souvent absent et ne la comprenant pas. Le final fera exploser cette folie de manière graphique mais non gore, demeurant ainsi dans la trajectoire d'un film refusant de s'inscrire dans la lignée des films de genre français cherchant la surenchère sanglante.
L'intrigue parviendra sans mal à créer le malaise avec peu de moyens, en se concentrant sur le personnage de Claire et quelques passages forts dérangeants comme cette visualisation des crises de boulimie de la jeune femme ou encore cette excellente scène où Claire parlera à son frère, sensément installé sur le lit superposé, sans que nous ne puissions le voir jusqu'à un écho fracassant. La partie purement fantastique du métrage restera assez classique en récitant les passages obligés mais pour autant ils feront mouche grâce notamment à cette obscurité omniprésente.
La seconde partie sera plus curieuse avec bien entendu le comportement étrange de Claire mais également avec la volonté de la réalisatrice de s'attaquer à la peur de l'autre, de l'étranger, tout en fustigeant ce comportement bourgeois de certains personnages débarquant sur le tard dans l'intrigue, presque à cette seule fin d'ailleurs, mais également à donner plus d'impact au final fort et dramatique, et ce même si une dernière séquence plutôt ironique viendra clore le métrage.
L'interprétation est ici presque parfaite, avec une Valérie Bonneton idéale et impliquée pour camper Claire et réellement donner vie à ce personnage clé du film, ce qui éclipsera les autres acteurs certainement volontairement plus effacés. La mise en scène de la réalisatrice est convaincante, rythme pour ne laisser aucun temps mort venir faire retomber la tension sur la courte durée de l'ensemble et offrira même quelques plans remarquables, presque en caméra subjective, renforçant ainsi cette impression que le couple est observé de l'extérieur.
Donc, ce "Propriété interdite" tranchera largement avec la production française du moment en refusant tout graphisme gratuit et autres effets faciles, mais ici ce sera pour nous gratifier d'une bonne surprise !
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