Jouant sur les angoisses liées à la cécité, ce "Les yeux de Julia", nouvelle incursion espagnole dans le cinéma de genre chapeautée par Guillermo del Toro ici producteur, va flirter aussi bien avec le fantastique que se jouer des codes du giallo pour un ensemble prenant, certes référentiel, mais hélas prévisible dans sa seconde partie.
Le script va laisser un femme, atteinte d'une dégénérescence de la vue, enquêter sur le suicide de sa sœur jumelle aveugle, persuadée qu'elle a été tuée, surtout qu'un ombre sournoise tourne autour d'elle.
Dansa séquence introductive bien stressante, nous allons suivre Sara, une jeune femme aveugle chez elle, effrayée par une présence invisible et qui finira par se rendre au sous-sol de sa maison pour monter sur un tabouret et enfiler autour de son cou une corde pour se pendre, tout en continuant à parler à cet individu qui n se manifestera que pour donner le coup de grâce à Sara et la prendre en photo. Au même moment sa sœur jumelle, Julia ressentira l'étranglement et obligera son mari Isaac à se rendre chez sa sœur pour s'assurer que tout va bien, pour évidement découvrir le cadavre pendu de Sara. La police conclura bien entendu à un suicide, ce que réfutera Julia qui a aussitôt se lancer dans une enquête mal-aisée puisque Sara vivait apparemment dans la solitude la plus complète.
Mais progressivement des événements étranges vont commencer à se faire sentir autour de Julia, avec déjà cette scène réussie au cimetière et alors que Julia va en apprendre quand même un peu plus sur la vie de sa sœur grâce aux voisins et notamment une personne âgée elle aussi aveugle vivant au fond de sa cour. Comme il se doit, Isaac, le mari de Julia, ne croira pas son épouse au sujet de ces situations étranges et au contraire s'inquiétera pour la santé de s femme, atteinte comme sa sœur d'une maladie entraînant une dégénérescence de la vue, à un stade déjà bien avancé pour Julia.
Ce sera donc à l'insu de son mari que Julia va rechercher des éléments nouveaux pour alimenter sa version des faits mais chaque révélation, souvent inattendues, ne fera au départ qu'obscurcir l'ensemble avant que le métrage ne se lance dans une seconde partie bien plus terre à terre, proche du giallo et du slasher, tout en demeurant oppressant et porteur d'une réelle tension, effet renforcé par la cécité de plus en plus prononcée de Julia et ce qui en découlera.
Le réalisateur Guillem Morales utilisera à merveille l'élément lié à l'aveuglement de son héroïne pour des plans sombres et masquant une partie du champ de la caméra, tout en utilisant parfaitement cette peur engendrée par le fait de ne plus voir, aussi bien ses proches (ajoutant ainsi un petit côté doucereux au métrage avec l'amour porté à son mari par Julia) que pour se repérer dans des lieux pas forcément connus, augmentant ainsi de façon franche le suspense lors de certains temps forts du film et se servant même de la cécité de Julia de manière insidieuse pour tromper l'ennemi, qui au final sera quand même décevant et aux motivations pas claires du tout. Mais heureusement l'ensemble regorgera de coup de théâtre et sera parsemé de passages tendus et surprenants qui viendront occulter cette petite défaillance scénaristique.
L'interprétation est largement convaincante avec une Belén Rueda toujours crédible dans le rôle difficile de Julia sur lequel se focalisera le métrage, tandis que la mise en scène du réalisateur est efficace, partie prenante dans la réussite de l'ensemble avec des plans et des mouvements de caméra audacieux. Les quelques effets spéciaux sont probants, notamment pour un gros plan douloureux de piqûre dans un œil.
Donc, ce "Les yeux de Julia" arrivera à captiver sur la longueur malgré un rythme parfois en dents de scie grâce à une utilisation pertinente de ses éléments mélangeant astucieusement les genres !
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