Western atypique, ce "Soldat bleu" aura de quoi surprendre avec cette rupture de ton de son dernier acte puisque de la presque comédie souriante le métrage va soudain verser dans l 'abomination et l'horreur en revenant sur l'un des épisodes les plus sordides de l’histoire de la conquête américaine, le massacre de Sand Creek.
Le script va faire cohabiter une jeune femme ayant vécu avec les indiens et un jeune soldat, seuls rescapés d'une attaque de cheyennes, dans leur quête pour rejoindre la civilisation, mais ce sera pour assister au massacre d'un campent indien par l'armée américaine.
D'entrée (mais après un petit laïus insistant déjà sur l'atrocité du final) le métrage va trancher avec les westerns habituels américains en avançant ces soldats d'un convoi reluquant et lançant de blagues salaces à propos d'une jeune femme qui va les accompagner, tandis qu'ils attendent un des leurs passant bien du temps aux toilettes. Le convoi militaire, escortant un chargement d'or se mettra finalement branle, nous permettant d'en apprendre un peu plus sur cette demoiselle, Cresta, ayant vécu parmi les indiens cheyennes pendant deux ans et devant être conduite au fort afin d'y retourner son fiancé.
Mais l'affaire semblera bien mal engagée lorsque ces cheyennes vont attaquer le convoi, tuant les soldats américains sans merci, en n'hésitant pas par exemple à mettre le feu au bosquet dans lequel ils s'étaient réfugiés pour une longue séquence d'attaque assez réussie et parfois légèrement sanglante, pour ne laisser comme seuls survivants que Cresta qui était parti se cacher dans les montagnes et Honus, un éclaireur ayant assisté impuissant au carnage.
L'intrigue va alors s'amuser à jouer avec les différences énormes existant entre ces deux protagonistes pour renverser les codes établis puisque ce sera cette jeune femme au langage fleuri qui va aisément dominer ce soldat novice et définitivement inexpérimenté, occasionnant des séquences souriantes et vaudevillesques empreints d'une légèreté avérée et amusante face à la naïveté de ce Honus certes charmé par sa compagne d'infortune mais réticent devant son vocabulaire et sa facilité à exhiber une parti de son corps, par exemples.
Cela nous vaudra des péripéties assez classiques, comme ces rencontres avec des indiens belliqueux ou encore avec ce vendeur ambulant louche, tout en laissant planer un doute sur la volonté réelle de cette Cresta qui revendiquera assez tôt sa préférence pour les cheyennes face aux soldats américains dans un discours pacifiste anticipé pour l'époque.
C'est alors que ce dernier acte mémorable interviendra, laissant Cresta rejoindre un camp de soldats américains pour appendre qu'ils s’apprêtent à attaquer le village de l'ancien époux indien de la jeune femme, obligeant celle-ci à aller prévenir les cheyennes mais rien n'y fera, le lendemain l'assaut sera donné, le commandement américain négligeant l’apparition du chef des indiens, "Épervier rouge" brandissant le drapeau américain assorti d'un drapeau blanc, signe de réédition. Et le moins que l'on puisse dire c'est que ce final sera graphique pour l'époque, sanglant et sordide (les soldats américains violant et tuant des enfants), nous laissant assister à ce massacre impuissant tout comme Cresta et Honus, dans un démonstration de la folie de la guerre cherchant à marquer les esprits par son aspect graphique, montrant bien des horreurs et appuyant encore son discours avec cette dernière tirade du commandant américain satisfait de ses hommes.
Bien évidemment le métrage aura acquis sa notoriété sur ce dernière partie immorale et saignante, bafouant bien des tabous (viols, tortures, morts graphiques d'enfants) pour ainsi dénoncer les massacres commis par l'Amérique au nom de son bon droit tout en œuvrant pour la réhabilitation (certes bien tardive) des indiens, ici passant de bourreaux, avec l'attaque du premier convoi, au statut de victimes avec ce carnage gratuit qui restera dans les méandres sordides de histoire américaine.
L'interprétation est convaincante, portée par une Candice Bergen excellente en jeune femme délurée tandis que Peter Strauss campera un Honus timide tout à fait crédible et que Donald Pleasence apportera son savoir-faire pour jouer ce vendeur itinérant douteux. La mise en scène de Ralph Nelson est hélas bien classique, même lors de ce final apocalyptique. Les effets spéciaux sont plutôt probants, surtout en tenant compte de l'âge du métrage.
Donc, ce "Soldat bleu" restera une charge emblématique contre les atrocités de la guerre et sur la folie des hommes, inhabituelle dans le western américain !
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