Comme tout voyage, celui de Felicia est une initiation. A 17 ans, elle traverse la mer d'Irlande pour retrouver le soldat anglais qui lui a fait un enfant. Dès la première séquence, le cinéaste met en place une série d'oppositions : entre la campagne verdoyante de l'Irlande et la cité industrielle de Birmingham, entre un père rigide qui chasse sa fille hors de chez lui parce qu'elle a frayé avec l'ennemi, et Hilditch, un célibataire chez qui Felicia va chercher protection, mais que l'influence de sa mère morte a transformé en monstre froid et homicide; entre ce même célibataire à l'expérience perverse et la jeune Felicia, innocente et fragile. Egoyan aime les mondes clos : ici, l'appartement de Hilditch, à la décoration des années 50 qui sert de cadre aux repas de gourmet qu'il se prépare tout en visionnant les émissions de recettes culinaires dispensées par sa mère défunte à la télévision avec un accent français désopilant.
Le caractère asphyxiant du monde d'Egoyan est redoublé par sa fascination pour la vidéo, avec les bandes enregistrées par Hilditch pendant qu'il agresse ses victimes. Hilditch est un moderne Barbe-Bleue, une Bête qui convoite des Belles. L'intelligence du réalisateur est d'avoir su flirter avec le thème du serial killer sans en reprendre aucune des caractéristiques cinématographiques telles que montage rapide, violence explicite, suspense mécanique.
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