Ce "Barbe-Bleue" signé Edgar G. Ulmer ("Le Chat noir", "Detour", "Le Bandit", "L'Atlantide" est un petit polar bien noir valant principalement pour la présence de John Carradine ("La Chevauchée fantastique", "Le Chien des Baskerville", "Les Raisins de la colère"), totalement halluciné en tueur de femmes et pour sa photographie très expressionniste.
Ce long-métrage de 1944 n'est certes pas un chef d’œuvre, mais c'est tout de même un petit film qui mérite d'être redécouvert. Ce "Barbe-Bleue" n'a pas grand chose à voir avec le conte de Perrault, même si on y trouvera quelques similitudes avec ces meurtres de femmes. Ici, Barbe-Bleue est un tueur en série, qui étrangle des femmes avec qui il flirte, puis il se débarrasse des corps en les jetant dans la Seine. Ce tueur, c'est Gaston Morel, un marionnettiste talentueux, interprété donc par John Carradine (le père de David Carradine, Robert Carradine de Keith Carradine), également peintre, profondément perturbé par une déception sentimentale. En effet, Jeanette, une femme qu'il avait secouru et qui est devenue en quelque sorte sa muse, son modèle idéal, disparut du jour au lendemain et lorsqu'il la retrouva enfin, il perdit alors ses illusions, se rendant compte de sa vraie nature et surtout qu'elle n'a aucun sentiment pour lui. C'est alors qu'il bascule dans la folie et se met à tuer... Carradine est vraiment excellent dans ce rôle, livrant ici une de ses plus belles performances. Son personnage est également fascinant allant jusqu'à se confesser de ses meurtres auprès de Lucille, une jeune femme pour lequel il va tomber amoureux. Cet amour semblait d'ailleurs l'avoir guéri, un peu comme Tom Noonan dans son rôle du Dragon rouge, dans "Manhunter", mais évidemment Lucille ne sera pas prête à accepter ses aveux comme si de rien n'était... Le film a été réalisé en six jours avec des moyens dérisoires, obligeant le metteur en scène a peindre des décors parisiens la nuit afin de pouvoir tourner le lendemain dans la journée. Ce manque de moyens se ressent évidemment, mais cela n'empêche pas celui-ci d'être assez réussie esthétiquement parlant avec une influence expressionniste évidente. Il faut dire que Ulmer a également travaillé comme décorateur et a notamment assisté F.W. Murnau! En fait, le principal défaut du film résidera dans ses premiers meurtres, trop rapidement expédiés, comme si ils avaient été coupés au montage... Certains raccords, surtout au début du film, sont un peu particuliers!
Malgré le poids des années, ce "Barbe-Bleue" vaut donc le coup qu'on y rejette un coup d’œil...
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